Jusqu’à une date récente, bon nombre d’experts caressaient l’idée que les agrocarburants étaient la solution au changement climatique car ils émettaient de plus faibles quantités de gaz à effet de serre que les carburants fossiles. Une étude menée en 2009 par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) affirme que certains biocarburants de première génération comme l'éthanol à base de canne à sucre, tel qu'il est actuellement pratiqué au Brésil, peut réduire les émissions de CO2 de 70%, et plus de 100% lorsqu’il est substitué à l'essence. La même étude nous apprend que la production et l'utilisation de biodiesel à partir d'huile de palme des tourbières déboisées des tropiques peut conduire en revanche à d'importantes augmentations des émissions de gaz à effet de serre ; principalement en raison des rejets de carbone dans les sols et les terres.
Ainsi, l'essor des agrocarburants n'équivaut pas forcément à la diminution des gaz à effet de serre. En effet, l’agriculture est actuellement l’une des activités économiques qui génère le plus de gaz à effet de serre. La riziculture, par exemple, émet de grandes quantités de méthane. Le labourage expose l'humus à l'air, ce qui conduit à une oxydation accélérée du carbone du sol. Les engrais chimiques dégagent quant à eux d’importantes quantités d’oxyde d’azote lors de leur épandage sur les sols. Et l’usage des carburants fossiles pour transporter les intrants produit aussi du CO2.
Par ailleurs, le changement d’affectation des sols et de la foresterie – c’est-à-dire l’usage des terres agricoles existantes ou des écosystèmes naturels destinés à produire du biocarburant – libère le carbone stocké dans la biomasse ou dans le sol. Ces changements réduisent la capacité de la terre à absorber ou à réfléchir la chaleur et la lumière, accélérant par conséquent le réchauffement climatique.
Plusieurs analyses ont démontré, compte tenu de ce paramètre, que de nombreux problèmes environnementaux, dont la perte de biodiversité et la pollution de l’eau trouvent leur origine dans l’affectation des terres.
Une analyse commandée en 2009 par les Amis de la Terre du Royaume-Uni a démontré qu’en prenant pour hypothèse une affectation des sols de 10% seulement, les agrocarburants utilisés au Royaume-Uni – issus principalement du soja brésilien, américain ou argentin – ont généré en un an 1,3 million de tonnes de gaz à effet de serre de plus que les carburants fossiles.
L’insatiable soif des biocarburants
Selon le Stockholm International Water Institute (SIWI), en 2050, la quantité d’eau supplémentaire nécessaire pour la production de bioénergie pourrait être équivalente à la quantité requise par le secteur agricole pour nourrir le monde correctement. Or, dans de nombreuses régions du monde, l’eau manque déjà cruellement. Cette année encore, de nombreux paysans kenyans et indiens se sont suicidés à cause du manque d’eau.
Pour faire face à ce fléau, de nombreuses recherches sont en cours. C’est notamment le cas à l’Université technologique nationale (UTN) d’Argentine, où des chercheurs fabriquent du biodiesel avec de l’huile produite à partir d’algues cultivées dans le port de Mar del Plata. Les rendements annoncés sont de 30 à 100 fois supérieurs à ceux du soja ; mais le procédé ne requiert pas d’eau potable et ne concurrence pas les productions alimentaires.
Si nous sommes à peine au balbutiement de ces recherches, la hausse du prix des céréales aura au moins eu le mérite de précipiter les efforts de recherche-développement sur les biocarburants de seconde génération.
Quelques projets de recherches en cours
D’autres exemples de recherches portant sur les biocarburants de 2e et 3e générations prétendument moins dangereux pour l’environnement sont en cours. Aux États-Unis, l’entreprise de transport de déchets Alaska Waste a inauguré le 17 juin dernier une usine de biodiésel fabriqué à partir d’huile de friture. Des professeurs de l’Université de l’Ohio ambitionnent quant à eux de créer du biocarburant à base d’urine. En Chine, des scientifiques se lancent dans laproduction de biocarburants à partir d’algues. Les Écossais misent sur des sous-produits de Whisky, tandis que ST1, la société finnoise d’énergie, lance la mise en production d’un biocarburant produit à partir du contenu des poubelles du pays. En Argentine, des travaux sur la production de bioéthanol à partir de lactosérum sont en cours de développement. L'utilisation de résidus de production et de déchets est généralement bénéfique pour l'environnement, ne nécessite pas de terres supplémentaires et entraine également des avantages économiques.
C’est un peu la course aux brevets et aux subventions de recherche, mais qui s’en plaindra ? Toutes ces initiatives, plausibles ou farfelues, sont encourageantes. Seul bémol, les spécialistes s’accordent à dire qu’il faudra attendre encore quelques dizaine d’années pour que la deuxième génération de biocarburants supplante la première génération.