Le débat sur la transition énergétique s’est jusqu’ici peu intéressé au sujet du transport. Pourtant ce dernier est responsable en France de plus de 34% des émissions de gaz à effet de serre et est la premièresource de dégradation de la qualité de l’air en ville
Vers une mobilité durable : des objectifs d’évolution technologiques et de pratiques sont à fixer
Le débat sur la transition énergétique s'est jusqu'ici peu intéressé au sujet du transport. Pourtant ce dernier est responsable en France de plus de 34% des émissions de gaz à effet de serre et est la première source de dégradation de la qualité de l'air en ville.
Certes, depuis plusieurs mois, l'évolution de la fiscalité est largement débattue. Rien n'est encore sûr mais le projet de loi de finances 2014 pourrait introduire un rééquilibrage entre le diesel et l'essence et un transfert de taxes vers le contenu en CO2 des carburants.
Ces évolutions de la fiscalité des carburants sont nécessaires : elles peuvent permettre la diminution de la part des ventes de véhicules diesel en France (environ 70% actuellement) et enfin la prise en compte d'une fiscalité carbone progressive dans les transports.
Néanmoins, cette évolution fiscale doit être accompagnée de véritables objectifs d'évolution des déplacements en termes de technologies et de pratiques.
Promouvoir la mobilité électrique
Comment favoriser un déploiement maximal de la mobilité électrique ? Les solutions sont nombreuses en plus du bonus gouvernemental à l'achat : gratuité de stationnement et de la recharge en ville avec recharge gratuite du véhicule, autorisation de circulation dans les voies de bus, gratuité des péages autoroutiers. La Norvège a mis rapidement en place ces mesures et la Nissan Leaf est dans les 5 véhicules les plus vendus dans le pays. La France gagnerait à accélérer la mise en place de ces mesures afin de soutenir le décollage des ventes de voitures, d’autant plus que la Renault Zoé est maintenant disponible.
Comment garantir la meilleure autonomie possible pour les voitures électriques ? La faillite de la start-up israélienne Better Place le mois dernier a sans doute montré que le modèle des stations d'échange de batteries était trop capitalistique pour exister. Et même si le constructeur Tesla tente de créer son propre réseau aux Etats-Unis, cette solution n'a que très peu de chances d'être appliquée en France.
La solution est celle de la recharge. Les collectivités territoriales, désireuses avec le débat sur la transition énergétique de reprendre la main sur la gestion énergétique de leurs territoires, lancent de plus en plus de projets de recharge en voierie. Mais les pouvoirs publics ne peuvent pas oublier que l'enjeu majeur reste celui du développement de la recharge lente, à domicile ou au travail. "Electrifier" les parcs de véhicules de fonction pour familiariser les salariés avec de nouvelles pratiques, promouvoir des offres d'approvisionnement électrique pour le transport à base d'énergies renouvelables, organiser l'installation des bornes de recharge dans les copropriétés restent des conditions essentielles pour réellement déployer la mobilité électrique.
Généraliser le partage de véhicules
Le développement du concept Autolib' à Lyon, à Bordeaux et même à Indianapolis montre que la France a de réels atouts pour développer des offres attractives d'autopartage.
En Suisse, déjà 1 adulte sur 60 est client du leader de l'autopartage Mobility Car Sharing. En France, le chemin est encore long pour faire du partage de véhicules une habitude de consommation et de déplacements.
Pour généraliser l'autopartage, les utilisateurs urbains et périurbains de services d'autopartage doivent y trouver suffisamment d'avantages économiques et de flexibilité pour renoncer à leur propre véhicule particulier. La société y serait prête : la possession d'une voiture n'est plus une fin en soi mais un "outil fonctionnel de transport" selon plus de la moitié des Français.
Cette réduction potentielle du nombre de véhicules sur le territoire peut être un levier de croissance fort pour les acteurs de la mobilité en France. Le développement de pratiques d'autopartage favorise en effet le développement de la multimodalité et rend ainsi plus facile le passage vers le vélo ou les transports en commun. Il peut d'autre part permettre des revenus supplémentaires pour les opérateurs de mobilité.
Enfin, partager des véhicules ne veut pas nécessairement dire moins de mobilité pour les utilisateurs et moins de revenus pour les constructeurs. Au contraire, cela pourrait revenir à en utiliser moins globalement mais à les utiliser plus intensément et donc renouveler davantage le parc. Ainsi l'autopartage, comme les autres nouveaux services de mobilité, peut être créateurs net d'emplois. Aux constructeurs, loueurs, collectivités, d'accélérer leurs expérimentations tout en les promouvant largement.
La France dispose d'atouts industriels majeurs aussi bien concernant les véhicules, les batteries et les technologies de l'information qui peuvent permettre un changement en profondeur de la mobilité. Aux pouvoirs publics de capitaliser sur ces atouts, de promouvoir les avantages de flexibilité, d'économies, de confort et d'intérêt social des nouvelles mobilités et de faciliter leur déploiement à grande échelle.
La technologie ne permettra pas à elle seule d'atteindre les objectifs climatiques et énergétiques liés à la mobilité, de diminuer la congestion et d'améliorer la qualité de l'air. L'ADEME a bien raison de vouloir compléter l'objectif "2L/100km" souhaité par Jean-Marc Ayrault en septembre dernier par un programme "2 personnes par voiture". Après tout, le partage, l'échange, l'essor des plateformes collaboratives concernent également pleinement la mobilité.
Thibault Ben Khelil