Pour sauver les espèces menacées, Erika Cuéllar refuse d’utiliser les populations autochtones comme de la main-d’œuvre bon marché. Elle offre aux indiens Guaraní la possibilité de décrocher un diplôme grâce à leurs connaissances empiriques et obtient de meilleurs résultats sur le long terme.
Une jeune Bolivienne transforme les Indiens en biologistes et remporte le prix Rolex 2012
Pour sauver les espèces menacées, Erika Cuéllar refuse d’utiliser les populations autochtones comme de la main-d’œuvre bon marché. Elle offre aux Indiens Guaraní la possibilité de décrocher un diplôme grâce à leurs connaissances empiriques et obtient de meilleurs résultats sur le long terme.
Sauver l’ancêtre du lama
Depuis 1997, Erika Cuéllar travaille au cœur du Chaco, la plus grande forêt sèche du monde. Cette écorégion d’un million de kilomètres carrés qui s’étend sur les territoires bolivien, argentin, brésilien et paraguayen constitue l’habitat d’un ancêtre du lama, le guanaco, aujourd’hui menacé d’extinction.
Pour préserver ces camélidés sauvages, la jeune biologiste a recours à une approche innovante, basée sur la formation scientifique des populations locales, les Indiens Guarani. Ses efforts et sa créativité lui ont valu de décrocher le Prix international Rolex, qui récompense chaque année des projets exceptionnels. L’argent reçu lui permettra d’étendre son initiative à d’autres pays du Chaco, en Argentine et au Paraguay.
L’approche qu’elle développe suscite l’intérêt d’autres pays comme l’Inde, où la scientifique ira bientôt exposer ses projets.
« L’intégration des populations locales dans les projets de préservation en Amérique latine est fondamentale. Nous ne pouvons pas ignorer que des gens vivent des ressources naturelles près des zones protégées. Ils ne doivent pas être considérés comme de la main-d’œuvre bon marché », affirme-t-elle.
Des compétences reconnues grâce à un diplôme
À son arrivée au Chaco, Erika Cuéllar a tout de suite été impressionnée par les connaissances des chasseurs Guarani et par leur capacité d’apprentissage.
Après un premier projet qui s’est terminé en 2007, au terme de plusieurs années de travail commun, ses jeunes auxiliaires s’apprêtaient à reprendre une activité « normale ». Celle-ci consiste souvent à abandonner le village familial, pour aller gagner une misère dans les champs de canne à sucre.
Cependant, la biologiste n’a pu se résoudre à gâcher le potentiel de ses nouveaux collègues, et avec l’aide de la fondation anglaise Whitley Fund for Nature, elle a obtenu les fonds nécessaires pour leur offrir une formation intensive de 8 mois.
Aujourd’hui, les jeunes diplômés bénéficient du statut de technicien et perçoivent un salaire leur permettant de continuer leur travail dans le domaine de la préservation.
Quand les financements disparaissent, reste le savoir-faire
Dans le cadre du projet financé par le Prix Rolex 2012, ils seront chargés de partager leurs connaissances avec les Guaranis des pays voisins. Leur mission sera facilitée par le fait qu’ils partagent la même culture, et surtout la même langue.
L’objectif de cette coopération est de créer un corridor biologique qui permettra d’établir le contact entre les populations de guanacos des différents pays afin de renouveler la diversité génétique de l’espèce.
Erika Cuéllar souhaite que les entités chargées d’organiser des projets importants prennent conscience de la nécessité d’investir dans les personnes, et plus seulement dans la recherche :
« Mon idée, c’est de proposer aux gouvernements qu’une partie du budget des projets de préservation soit destinée à la formation locale, car quand les financements internationaux disparaissent localement, il n’y a plus rien pour faire perdurer ces initiatives. Les autorités locales comptent sur des fonds externes et ne s’engagent pas en faveur d’une action durable au sein du pays. C’est ce défi que je veux relever. »