Malgré la suspicion jetée sur le projet dès son annonce en 2007, Masdar, la ville du développement durable au coeur du désert, reçoit ses premiers habitants …
Une ville modèle zéro-carbone en plein désert?
Malgré le doute jeté sur le projet dès son annonce en 2007, Masdar, la ville du développement durable au coeur du désert, reçoit ses premiers habitants et nous offre une visite guidée, matière à controverse.
Un mirage en plein désert
En 2007, beaucoup ont juste vu comme une blague le projet annoncé par le gouvernement de la 'première ville zéro-carbone du monde' dans le désert d’Abou Dhabi, comme la suite logique de la plus grande tour du monde de Dubaï et des îles artificielles en forme de palmiers. Masdar, la ville issue du projet, à mi-chemin entre une forteresse médiévale et une ville futuriste, a maintenant ouvert les portes aux habitants de son premier quartier achevé. Le résultat dépasse toute attente.
Norman Foster, du cabinet d’architectes Foster and Partners à l’origine du projet, explique avoir combiné le design de haute technologie aux anciennes pratiques de construction des peuples du désert pour créer un modèle de communauté du développement durable, dans un pays où le pétrole peut tout acheter mais où l’on commence à réfléchir au jour où les ressources seront épuisées. En contraste avec cette vision pleine d’espoir, il a aussi illustré la mentalité grandissante de communautés fermées sur elles-mêmes pour se protéger des villes voisines et préserver leur harmonie, et porté une ombre potentiellement inquiétante au tableau.
L'écologie à l'épreuve du bon sens
Un des objectifs, éviter les centres commerciaux gigantesques et les banlieues clinquantes, est parfaitement rempli. M. Foster a décortiqué les fondamentaux de l’architecture du Moyen-Orient du 16ème siècle pour en garder ce qui a permis aux peuples d’alors de survivre par des températures allant jusqu’à 150 degrés. Masdar a donc été érigé sur un plateau artificiel à 7 mètres de haut pour profiter de la brise du désert et les rues ont été orientées de manière à être le plus ombragées possible. Avec l’aide de consultants en environnement, la température ressentie dans la ville a été baissée de 70 degrés, permettant une énorme économie d’électricité. L’énergie nécessaire est évidemment à 90% solaire et le reste est produit par l’incinération des déchets. Les centres de traitement de l’eau et autres nécessités sont installés à l’extérieur de la ville.
Les voitures traditionnelles n’ont pas leur place dans Masdar : elles sont remplacées par des voitures électriques, qui ne circulent que dans un réseau souterrain. Une fois à bord, on indique la destination sur un écran et la voiture se met en route sans chauffeur, reliée par câble, ou sur rails.
A la surface, on ne peut circuler qu’à pied, pour des raisons à la fois écologiques et de santé : l’obésité est un problème important dans cette partie du Moyen-Orient, car tout le monde utilise la voiture pour fuir la chaleur écrasante.
Les immeubles accueillent des laboratoires de recherche spécialisés en développement durable, affiliés au Massachusetts Institute of Technology. Ils sont faits de panneaux en éthylène tétrafluoroéthylène, plastique translucide reconnu pour sa durabilité.
Les quartiers résidentiels sont occupés par les chercheurs, les étudiants et leurs familles, dans le respect des standards du Moyen-Orient. De l’extérieur, on ne peut pas voir dans les maisons et aucune fenêtre ne donne directement sur une autre habitation. Enfin, les femmes et les familles sont d’un côté du quartier, les hommes célibataires de l’autre, avec une place publique au coeur de la communauté.
Développement durable pas si durable
Pour le moment, on imagine mal comment ce coeur va pouvoir battre dans une structure aussi artificielle, mais une fois atteint l’objectif des 90 000 habitants en journée - choisis par le propriétaire qui n'est autre que le gouvernement - les rues devraient s’animer.
Bien que les idées de M. Foster puissent être appliquées dans d’autres villes non-artificielles, personne ne niera le fait qu’une ville traditionnelle de plusieurs millions d’habitants ne peut pas être réorganisée de la sorte. Sa vision est en fait à l’image d’une des conséquences de la mondialisation : une division accrue entre des enclaves luxueuses ayant les moyens de ces performances techniques et des gens vivant dans des ghettos, dont la priorité est d’assurer leur survie, et pour lesquels le développement durable ne signifie pas grand chose.
M. Foster espère ne pas créer d’exclusion et souhaite que la ville héberge tous les groupes de la société mais les 4 dernières décennies ont fourni la preuve que les communautés extrêmement riches et les classes moyennes éduquées tendent à rester entre elles, cloisonnées dans de petites utopies. Le centre ville de Paris ou New York sont d’autres exemples de ce phénomène : une communauté autonome idéalisée et hors d’atteinte pour le commun des mortels.
Pour en savoir plus : Plan de Masdar