Après le pire séisme de l’histoire du pays, alors que le nombre de victimes n’est pas encore connu et que les inquiétudes sur les installations nucléaires sont au plus haut, la question se pose déjà, et pas pour la dernière fois.
Un pays si propice aux séismes peut-il vivre avec des centrales nucléaires?
Après le pire séisme de l’histoire du pays, alors que le nombre de victimes n’est pas encore connu et que les inquiétudes sur les installations nucléaires sont au plus haut, la question se pose déjà, et pas pour la dernière fois.
Le quotidien japonais Asahi, dans sa couverture très complète du séisme qui a ravagé vendredi la région de Tohoku, pose ouvertement la question. Pourtant, l’heure est encore à l’état des lieux, et les quotidiens locaux donnent une présentation cataclysmique de la situation.
Sur place, on parle de :
- plus de 10 000 victimes, peut-être 20 000
- des villes entières auraient été englouties par le tsunami
- les constructeurs automobiles de l’archipel sont obligés de stopper leur production
Mais étant donné qu’après la secousse de 9 sur l’échelle de Richter et le Tsunami, une troisième catastrophe, nucléaire celle là, menace, certains lancent déjà le débat de la pertinence du recours au nucléaire dans un pays si souvent touché par les séismes.
Le pays dont les ressources énergétiques sont très limitées, a fait du nucléaire une de ses principales formes de production d’électricité. Jusque là très sûr de la capacité de ses centrales à faire face aux risques sismiques, le Japon a pour la première fois déclaré l’état d’urgence nucléaire dans… 5 de ses centrales. Un état d’alerte maximum qui n’avait jamais été prononcé auparavant dans aucune des installations ultra modernes de l’archipel. Un état dû essentiellement au tsunami et à ses vagues de 10 mètres de haut qui se sont abattues sur plus de 100 kilomètres de côtes du nord-est.
La cause principale de l’alerte réside dans le dysfonctionnement qui a touché les systèmes de refroidissement d’urgence (SRU). En cas de séisme important, les réacteurs nucléaires sont automatiquement stoppés. Cependant, le combustible nucléaire continue tout de même à émettre de la chaleur. Le refroidissement est alors assuré par un SRU activé par des pompes au diesel. Vendredi dernier, au Japon, ces pompes ont été noyées par la vague du tsunami, et la température, qui n'est plus maîtrisée, a déjà donné lieu à une explosion dans la centrale de Fukushima Daiichi 1. La même situation est possible dans l’unité 3 du même site, et dans 3 autres réacteurs de l’usine nucléaire voisine de Fukushima Daini.
Si les populations ont été évacuées dans un périmètre de 3, puis 10, puis 20 kilomètres, la possibilité d’une fuite radioactive majeure qui pourrait avoir des conséquences gravissimes sur la santé publique n’est pas exclue.
Le tremblement de terre de Hanshin qui avait frappé les environs de Kobé en 1995 avait donné lieu à une amélioration des mesures de résistance des centrales nucléaires aux séismes. Ces efforts ont été insuffisants.
Dans le pays le mieux préparé aux séismes, et qui compte parmi les plus avancés en matière de recherche sur l’atome civil, la situation dans les réacteurs de Fukushima pose une question essentielle :
Est-ce que ce n’est pas tout simplement le nucléaire civil qui est à bannir ?
Alors que les pays occidentaux ont ralenti ou stoppé la construction de nouveaux réacteurs après les catastrophes de Three Mile Island en 1979 et de Tchernobyl en 1986, le Japon a toujours tenu à sa politique du nucléaire comme un pilier de sa politique énergétique. C’est une des raisons pour lesquelles le pays a laissé passer le train des énergies renouvelables, dépassé ainsi par l’Europe, la Chine et les États-Unis.
Le drame de Sendai, dont les conséquences vont se répercuter pendant des années, soulève de nouveau la question du nucléaire, et le gouvernement va devoir y répondre rapidement. Le développement du nucléaire nous a ironiquement rendus très dépendants de cette source qui s’avère instable, comme le montrent les accidents du week-end. En attendant, la production, arrêtée dans plusieurs des centrales japonaises, ne reverra pas le jour avant un long moment...