La crise du Covid-19 a été l’occasion pour les Français de redécouvrir l’importance de disposer d’une agriculture à hauteur de leurs besoins, en termes de quantité, de qualité, et d’accessibilité en temps de crise. Ces circonstances ont notamment mis en relief l’importance des territoires, lieu des circuits courts d’approvisionnement et de distribution, pourvoyeurs d’autonomie. Les coopératives jouent à cet égard un rôle clé. Occasion pour nous d’évoquer leur rôle et leurs enjeux, au travers de l’exemple de Tereos.
Les coopératives, entre fidélité aux principes et adaptation au monde d’aujourd’hui
Le principe de la coopérative se fonde sur l’idée de réunir des acteurs locaux, autour d’une activité identique, ou d’activités très complémentaires, pour mettre en commun des moyens et des idées, partager le fruit de leur travail. Les coopératives d’aujourd’hui se sont construites par agrégation de cette logique, étendue à des horizons plus larges, que ce soit en termes géographiques, ou d’activités. L’idée de la coopérative s’identifie aussi à la prise en commun des décisions par les membres, par le biais d’un système électif représentatif . La notion de solidarité, l’idée que « l’union fait la force » se retrouve aussi dans l’établissement de rapports équilibrés entre, d’une part, la coopérative et ses membres, et d’autre part, leurs interlocuteurs, quels qu’ils soient, financiers, commerciaux, publics, privés… Au-delà de leurs seules activités et de ceux qui y participent directement, elles font vivre de multiples écosystèmes, contribuant au développement des territoires, et à celui d'autres activités qui à leur tour les renforcent .
Deux risques toutefois les menacent
Celui d’un excès d’attachement à leur forme originelle, où la coopérative ne voit pas plus loin que son terroir d’origine, qui semble l’horizon indépassable de ses membres. Cette conception autocentrée nuit à la perception de l’évolution des marchés, et à une vision pragmatique qui permette de renouveler l’offre, et d’élaborer une stratégie pour s’adapter, et durer.
À l’opposé, celui d’un abandon de leurs principes d’origine, pour devenir en quelque sorte une entreprise « comme les autres », cherchant d’abord l’accroissement et le profit, et dominée progressivement par les logiques financières.
Dans les deux cas, c’est non seulement la coopérative qui est menacée, mais tout le territoire qu’elle contribue à faire vivre. La ligne d’équilibre entre ces deux tendances n’est pas facile à établir. Il s’agit en effet d’assurer, par une stratégie cohérente, l’homogénéité entre d’une part croissance, qui veut dire élargissement, diversification, et d’autre part pérennité de l’activité socle, qui est celle des adhérents.
Tereos, un modèle d’équilibre
Tereos est emblématique de ces structures coopératives qui ont trouvé cet équilibre, fidèle à leurs valeurs et au modèle coopératif, et capable de se situer parmi les meilleurs sur la scène internationale, mettant leurs résultats et leurs contributions au service de leur base coopérative dans une vision globale. La coopérative Tereos combine de façon équilibrée le mode classique de représentation des coopérateurs agricoles, la direction d’un complexe industriel de pointe et en perpétuelle évolution, et le management global d’un groupe international, à la conquête de nouveaux marchés.
Le fonctionnement d’ensemble assure que chaque adhérent dispose des mêmes conditions, notamment en matière de prix, de règles opérationnelles, de distribution des dividendes et d’indemnités, lui permettant de valoriser, dans la durée, ses productions. Cet équilibre est le résultat d’un dialogue permanent entre les principaux acteurs : les instances techniques (betterave, pomme de terre, nutrition animale), les conseils de régions qui développent la relation avec les coopérateurs de Tereos, le conseil de Surveillance qui définit les conditions de distribution du résultat et valide la stratégie définie par le Directoire. Celui-ci, par ailleurs, est en charge du management opérationnel du groupe et de ses filiales.
Toutes ces composantes, et leur mode d’interaction spécifique, contribuent au développement et à la bonne marche de la structure coopérative : 2ème groupe sucrier au monde, implanté dans 17 pays, qui présente en 2019-20 des résultats et des perspectives emblématiques de ses évolutions stratégiques.
Tereos et les territoires, l’usine aux champs, et plus encore
C’est à partir des lieux de production de betteraves que Tereos a historiquement développé son outil industriel de transformation. Les cheminées des sucreries ne sont jamais loin des tracteurs. Ce qui permet de réduire les coûts, de préserver l’environnement, et d’améliorer la productivité de l’ensemble, avec des gains réinvestis sur place, dans une logique de circuits courts.
L’une des dernières innovations de la coopérative en est le symbole : l’application « Logismart » permet aux camions et aux engins de chargement de betteraves d’envoyer en temps réel des informations aux responsables de secteurs agricoles dans les usines. Une plate-forme de pilotage dotée d’un algorithme définit les meilleurs affectations et trajets qui sont transmis aux véhicules par l’application mobile. Cette application permet de réduire les temps d’attente des camions avant leur chargement et de réagir plus vite aux imprévus. Les 300 millions de données collectées peuvent améliorer de 5 % la productivité des transports de betterave, soit une économie potentielle de 5 millions d’euros par an, assure le groupe. In fine, tous les gains opérationnels réalisés se retrouvent et sont répercutés dans la rémunération de l’adhérent, illustration parfaite du modèle coopératif.
Cette logique économique se double d’une approche environnementale, dans un cercle vertueux.
La proximité des champs et des silos avec les sucreries (32 km en moyenne) permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Plus encore avec quand les camions roulent au bioéthanol ED95 , une énergie produite à partir des résidus de transformation de la betterave. L’essai concluant est en cours de généralisation au sein de la flotte de Tereos.
Tereos et les territoires, un système d’écosystèmes
Cette logique de circuit court ne fonctionne pas seulement au sein du groupe, entre composantes de celui-ci. Elle préside à la logique de son développement, du choix de ses partenaires. C’est ainsi qu’avec Coca-Cola, Tereos s’engage pour privilégier une production locale en circuits courts. En effet, plus de 90% des bouteilles de Coca-Cola consommées en France proviennent d'usines françaises et sont produites en circuit court. Concrètement, le sucre Tereos utilisé dans la recette du Coca-Cola, est issu de champs de betteraves cultivés par des agriculteurs français. Seulement 34 km séparent les champs, de la sucrerie Tereos de Béthune, où est extrait le sucre. Celui-ci est ensuite transporté à moins d'une heure de route jusqu'à l'usine Coca-Cola de Dunkerque pour un embouteillage local. C’est donc une démarche gagnante, qui bénéficient non seulement aux partenaires, mais à l’ensemble des acteurs des territoires, puisque, le groupe se plait à le rappeler et le chiffre est parlant, ce sont 10,4 emplois hors Tereos qui sont induits par chaque emploi dans le groupe. Un effet moteur dont peu d’autres acteurs privés peuvent se vanter.
L’avenir : conjuguer cette démarche avec la hightech
S’inspirant du monde de la canne à sucre, en particulier de son usine de Cruz Alta (Brésil), Tereos va effectuer un nouveau saut qualitatif en matière d’optimisation industrielle. Le groupe a en effet décidé d’implanter, dans un premier temps sur un de ses sites en France, les principes, déjà opérationnels, de cette usine du futur afin de gagner en compétitivité. Cette « usine 4.0 » touche des matières aussi variées que la maintenance préventive, l’agronomie ou l’optimisation des consommations . Les nombreux capteurs dont elle est dotée collectent en temps réel les données pour la logistique agricole, l’exploitation, la maintenance. Ces données sont analysées par l’intelligence artificielle d’algorithmes puissants regroupés dans un centre de contrôle intelligent et connecté au cœur de l’usine. L’usine du futur répond ainsi à des enjeux de sécurité, de fiabilité et de régularité de la production. Elle participe aussi à l’effort global de traçabilité « du champ à l’assiette », en reliant le produit fini à l’agriculteur producteur, contribuant à valoriser le travail de ce dernier, et à rassurer le consommateur sur la qualité du produit. Tereos estime que les initiatives 4.0 génèreront 30 millions d’euros de gains sur les neuf sites de production en France, ce qui équivaut à 1,50 euro par tonne de betterave, un potentiel très significatif.
Le choix du site de Connantre, dans la Marne, département à dominante rurale s’il en est, est emblématique du rôle moteur qu’une entreprise comme Tereos joue au sein des territoires. Après ce stade initial, Tereos, qui vise 200 millions d’euros de gains de compétitivité d’ici à 2022, déploiera cette technologie 4.0 à l’ensemble de ses sites français dans les prochains mois.