Super Trash pourrait-être interdit au moins de 12 ans tant certaines images filmées par Martin Esposito, sont choquantes, voire oppressantes. Mais nous aurions tort de cacher à nos enfants que l’enfer est bel et bien sur terre : ici même en France, dans une décharge…
Super Trash : tous responsables de nos déchets!
Super Trash pourrait-être interdit au moins de 12 ans tant certaines images filmées par Martin Esposito, sont choquantes, voire oppressantes. Mais nous aurions tort de cacher à nos enfants que l’enfer est bel et bien sur terre : ici même en France, dans une décharge…
Super Trash a jeté un pavé dans la mare à Évian, mardi 25 septembre, lors de son avant-première à la Global Conférence 2012. Et c’est peu dire. Ce documentaire explore en plein jour un produit «made in France» jusqu’ici bien caché : un tas de merde! Car oui, il faut l’avouer, à Villeneuve-Loubet, ville portuaire située entre Nice et Cannes, le château des Baumettes fait pâle figure à côté du site de stockage de déchets de la Glacière.
Au sommet de cette colline – 12 millions de tonnes de détritus – on ne respire pas l’air pur de la montagne. En aval, on s’abreuve de lixiviat, un jus de poubelles obtenu à partir de polluants organiques, minéraux et métalliques. Et en bonus, le guide des lieux révèle à visage couvert une zone où la teneur de l’eau en arsenic est près de trois fois plus élevée que la normale. Mais soyez sans crainte, la visite du site en images en vaut le détour. Tel un anthropologue, Martin Esposito, s’enfonce, deux années durant, dans les abysses de ce trou devenu colline. Son témoignage est dérangeant, écœurant, mais pose sans complaisance la question de notre avenir.
Dérangeant
«L’histoire se passe au moment où on la vit». Ce n’est pas un hasard si cette citation de Mencius fait office de fil rouge du film de Martin Esposito. Cette histoire c’est son histoire. L’autoportrait d’un jeune homme submergé par l’amertume en découvrant que la cabane de son enfance nichée dans la forêt, est aujourd’hui encerclée par une muraille de déchets. Un film qui dissèque les états d’âme et les émotions du réalisateur, tout en nous embarquant dans cette quête du sens de la vie: «faire quelque chose que personne n’a jamais fait. Aller jusqu’au bout et montrer à tout le monde le vrai visage d’une décharge. »
Bouteilles de Coca-Cola, parfum sous emballage, magazines pornos côtoyant les détritus du festival de Cannes – carré VIP de la décharge –, on est soudain pris d’un malaise face à cette image déformée de notre propre histoire. Une réalité cachée que nous ne réalisons pas, mais qui nous pousse à nous interroger :combien de camions bennes faut-il pour entasser tous les souvenirs de notre vie? Oui la vie, mais la mort qui rôde aussi. «Ne mangez pas le poisson d’ici, vous en mourez!» prévient Raymond, l’acolyte du réalisateur, à un passant. «Ce n’est pas grave, j’en mourrai», répond le monsieur. Faut-il en rire ou en pleurer? C’est à vous de décider…
Écœurant
Le choc des images, le spectre de l’apocalypse, «on a tout massacré, il n’y a plus rien, tout est crevé.» se lamente Raymond. Des poupées démembrées aux yeux percés, des cercueils d’enfant déterrés… Sans oublier cette ultime vision de Martin avalant la nourriture avariée de la décharge. Et la pluie de merde déversée par des camions garés en rang d’oignon. Tout cela nous donne la nausée. «L’odeur vous ne pouvez plus la retirer de votre nez elle est spécifique.» Et elle s’accroche à vous comme une sangsue souligne Martin Esposito. « J’ai gardé l’odeur de la décharge six mois sur mon corps après le tournage. J’ai même été obligé de me raser la tête. Et le plastique de ma caméra est toujours imprégné par l’odeur de la décharge. »
Et demain?
«Ce n’est pas moi qui ai choisi le sujet, c’est la décharge qui m’a choisi. C’est elle qui m’a permis d’achever ce film sans tomber gravement malade. Il suffisait de ne pas lutter, se laisser porter par l’endroit et accepter les règles de la survie». La nature choisie bien ses messagers. Ceux qui veulent sincèrement changer les choses sans tricher. «Il fallait une motivation. Témoigner dans l’endroit où je suis né, à 2 kilomètres de chez mes grands-parents. Dire que nous n’avons pas besoin d’aller au Brésil ou au Kenya pour voir ça!»
Par le biais de cette autocritique positive, Esposito «met nos acteurs économiques et politiques face à leurs responsabilités. Allégorie d’une société qui accumule les problèmes environnementaux. « Une civilisation hautement technologique, et pourtant tellement primitive»…Mais au-delà de ce cri de cœur, le documentaire a pour vocation de relancer le débat sur le recyclage en France. Mais Martin s’interroge : « sommes-nous capables d’apprendre de nos erreurs et repartir sur de bonnes bases?»Parait-il qu’«une nouvelle décharge de 65 millions de tonnes de déchets, ouvrira bientôt ses portes à quelques kilomètres de l’ancienne...»
Sonia Eyaan / Green&vert