La réindustrialisation de la France, enjeu majeur face à la désindustrialisation des décennies passées, s’appuie entre autres sur des acteurs émergents : les startups industrielles. Ces jeunes entreprises, à la croisée de l’innovation technologique et de la production industrielle, incarnent un dynamisme nécessaire pour relancer le tissu économique et renforcer la souveraineté technologique du pays. En 2023, elles ont démontré leur importance avec des indicateurs économiques et industriels en forte progression.
Portrait des startups industrielles françaises
Les startups industrielles, définies par leur capacité à transformer une innovation technologique en production matérielle à grande échelle, représentent un vivier stratégique de croissance et d’emploi. Selon l’Observatoire des startups industrielles de Bpifrance, la France comptait 2 523 startups à vocation industrielle en 2023, soit une hausse de 600 entreprises par rapport à 2022. Parmi elles, 40% relèvent du secteur Deeptech et 41% du Greentech, domaines essentiels pour répondre aux défis environnementaux et technologiques actuels.
Cette dynamique territoriale se reflète également dans leur répartition géographique : près de 70% de ces startups sont implantées en dehors de l’Île-de-France, jouant ainsi un rôle déterminant dans la revitalisation des territoires. Toutefois, l’Île-de-France reste un épicentre stratégique, concentrant 30% de ces entreprises grâce à un écosystème dense en recherche et développement (R&D), écoles d’ingénieurs et fonds d’investissement.
Performance économique, levées de fonds et réindustrialisation
L’année 2023 a été marquée par une performance remarquable des startups industrielles sur le plan financier. Elles ont levé un total de 4,18 milliards d’euros, soit 50% des levées de fonds réalisées par la French Tech. Le montant des levées de fonds est de plus en croissance de 11% par rapport à 2022, malgré un contexte macroéconomique globalement marqué par une contraction des investissements en capital-risque. Parmi les levées notables figurent Verkor (850 M€ pour une Gigafactory de batteries), Ynsect (175 M$ pour la production de protéines issues d’insectes) et Carbios (141 M€ pour le recyclage enzymatique).
Les startups industrielles jouent un rôle direct dans la réindustrialisation, avec 60 usines inaugurées en 2023, soit une hausse de 71% par rapport à 2022. Ces sites représentent en moyenne un investissement de 12 millions d’euros, une superficie de 4 000 m² et la création de 35 emplois par usine. À elles seules, ces nouvelles implantations ont contribué à la création de 7 600 emplois directs, renforçant ainsi le tissu industriel local. Ces projets répondent aux objectifs du plan France 2030, qui ambitionne de faire émerger une centaine de nouveaux sites industriels par an d’ici à la fin de la décennie. Une première étape pour relancer la France sur les pas de sa tradition industrielle qui a donné naissance à des entreprises mondialement connues comme LVMH, SEB ou encore Peugeot (devenue Stellantis) et Renault. Des industries centenaires pour certaines qui continuent de faire rayonner la France dans le monde entier et à soutenir croissance et emploi dans le pays.
Les freins au développement des start-ups industrielles française sont nombreux
Malgré les avancées prometteuses des startups industrielles françaises, leur développement est entravé par plusieurs défis structurels qui mettent en lumière les spécificités et les complexités de ce secteur. Tout d'abord, les cycles de développement propres aux startups industrielles se distinguent nettement de ceux des entreprises du numérique ou des logiciels (SaaS). L’innovation industrielle, impliquant la production de biens tangibles, nécessite des phases prolongées de recherche et développement, suivies par des étapes coûteuses comme la pré-industrialisation et l’installation des infrastructures de production. Par exemple, tandis qu’une startup SaaS peut atteindre rapidement un seuil de rentabilité grâce à un modèle évolutif et léger, une startup industrielle doit investir des millions d’euros avant même de pouvoir générer des revenus significatifs. Une startup industrielle doit en effet lever en moyenne 3 millions d’euros pour sa phase de pré-industrialisation et jusqu’à 30 millions pour atteindre une production à grande échelle.
L’accès au foncier constitue un autre frein majeur. La fabrication industrielle requiert de l’espace et des sites adaptés à des normes strictes, notamment en termes de logistique, de proximité avec des réseaux d'approvisionnement, ou de compatibilité avec des projets à fort impact environnemental. Dans les zones urbaines, où se trouvent les talents et les infrastructures nécessaires, le foncier est rare et coûteux, ce qui ralentit considérablement la montée en puissance des projets.
En parallèle, le recrutement de talents qualifiés représente une problématique essentielle pour ces entreprises. L’attrait pour les carrières dans l’industrie reste limité en France, notamment dans les filières technologiques. Alors que les startups industrielles requièrent des compétences techniques de pointe dans des domaines comme la mécanique, l’électronique ou la bio-industrie, elles peinent à rivaliser avec d'autres secteurs offrant des conditions plus attractives, notamment en termes de salaires ou de perspectives professionnelles.
Enfin, ces entreprises se heurtent à un cadre réglementaire souvent complexe et exigeant. Les normes environnementales, les autorisations administratives pour l’installation d’usines, ou encore les régulations sanitaires pour certaines filières spécifiques, comme la biotechnologie, prolongent les délais d’exécution et augmentent les coûts initiaux. Si ces règles visent à garantir la qualité et la durabilité des projets industriels, elles imposent des charges administratives disproportionnées aux startups qui manquent souvent de ressources dédiées pour y répondre efficacement.