Le soja bientôt banni des assiettes à la cantine scolaire ?

L’Anses a publié, le 24 mars 2025, un avis aux allures de coup de tonnerre dans le secteur de la restauration collective. Les produits à base de soja ne devraient plus avoir leur place dans les cantines scolaires. Ce constat, fondé sur des données toxicologiques solides, remet brutalement en cause l’innocuité d’un aliment pourtant bien intégré dans les assiettes végétariennes et véganes. Que cache réellement le tofu servi aux enfants ?

Par Stéphanie Haerts Modifié le 25 mars 2025 à 19 h 03
Le soja bientôt banni des assiettes à la cantine scolaire ?

Le soja, cet œstrogène qui s’ignore

Le cœur du problème ? Les isoflavones. Ces composés présents naturellement dans le soja sont classés parmi les phytoœstrogènes, c’est-à-dire des substances végétales capables d’imiter les œstrogènes humains. Autrement dit, le tofu et ses cousins végétaux ne sont pas aussi inoffensifs qu’ils en ont l’air. L’Anses l’affirme dans des propos partagés par Reporterre : « consommées en trop grandes quantités — qui diffèrent selon les âges et le genre —, les isoflavones peuvent avoir, dans certains cas, des conséquences nocives pour la santé en particulier sur le système reproducteur ».

En d’autres termes, le soja pourrait perturber les mécanismes hormonaux dès le plus jeune âge. Et les quantités problématiques ne sont pas anecdotiques. Une simple portion de yaourt végétal au soja (100 g) peut contenir jusqu’à 10,7 mg d’isoflavones. Pour un enfant de trois ans, cela représente plus de soixante fois la dose quotidienne acceptable, selon les normes définies par l’Anses.

Des seuils explosés : une exposition massive dès la crèche

L’Agence sanitaire a établi deux valeurs toxicologiques de référence (VTR) : 20 µg/kg de poids corporel par jour pour la population générale, et 10 µg/kg pour les plus vulnérables (femmes enceintes, enfants, nourrissons). Et le constat est sans appel. D’après l’analyse croisée des données de consommation, « 76 % des enfants de 3 à 5 ans consommant des produits au soja dépassent cette valeur toxicologique de référence, de même que 53 % des filles de 11 à 17 ans, 47 % des hommes de 18 ans et plus ainsi que des femmes de 18 à 50 ans » (Reporterre, 25 mars 2025). Plus inquiétant encore : « 100 % des bébés de 5 à 12 mois nourris avec des préparations à base de soja dépassent la VTR », peut-on lire sur Le Point.

Et ce n’est pas tout. Un steak de soja de 100 g peut, à lui seul, entraîner l’équivalent de 75 jours d’exposition maximale chez un enfant de trois à cinq ans, selon les calculs de l’Anses. Alors, comment continuer à prétendre que le soja est une option « saine » pour les tout-petits ?

À l’origine du signal : des rats mal en point et des enfants cobayes malgré eux

La base scientifique de cet avertissement repose sur des études menées sur des rongeurs. Deux cas ont retenu l’attention : une anomalie de la glande mammaire chez un rat adulte et une fertilité affaiblie chez un fœtus exposé in utero. Difficile de transposer les effets à l’humain ? Certes. Mais comme le rappelle Perrine Nadaud, de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition à l’Anses, dans des propos partagés par Reporterre : « L’idée n’est pas de stigmatiser le soja en particulier, mais c’est vraiment la teneur en isoflavones et sa variabilité qui nous inquiètent. En attendant que les industriels se saisissent de cette question, mieux vaut réduire la consommation de ces produits. »

Cette mise en garde, sollicitée par les ministères de la Santé et de l’Agriculture, cible en priorité la restauration collective : crèches, écoles, lycées, hôpitaux, cliniques. Et pour cause : en France, un repas sur cinq est pris hors domicile.

Un aliment pas si végétarien-friendly ?

La recommandation de bannir le soja des cantines heurte de plein fouet les efforts déployés depuis la loi Egalim de 2018, qui impose un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires. Le soja y avait trouvé une place de choix, souvent présenté comme une protéine végétale idéale. Une imposture ? L’Anses propose de s’orienter vers d’autres sources : lentilles, pois chiches, haricots. Moins riches en isoflavones, plus stables, et surtout mieux connus.

Car si les quantités d’isoflavones varient du simple au centuple selon les produits au soja, c’est en raison de facteurs aussi divers que la variété de graine utilisée, les conditions de culture, le degré de maturité ou les procédés de transformation. Le tofu fumé, par exemple, contient dix fois plus d’isoflavones que les croquettes panées soja-blé. Une instabilité qui inquiète l’Anses : « Le soja est tout sauf un monde uniforme », résume Perrine Nadaud. Et de rappeler qu’une préparation traditionnelle (lavage, ébullition) peut réduire les teneurs en isoflavones d’un facteur allant de 2 à 20.

Faut-il pour autant diaboliser le soja ? Pas totalement. L’Anses reconnaît que certains effets bénéfiques pourraient exister, notamment sur les risques cardiovasculaires ou certains cancers. Mais ces effets ne sauraient justifier une consommation sans discernement, a fortiori chez les plus jeunes. « Une femme de 68 kg ne devrait pas consommer un verre de boisson au soja plus d’une fois tous les 48 jours pour rester dans les limites fixées par l’Anses », peut-on lire sur Le Point. Une injonction plus proche du clin d’œil scientifique que du conseil nutritionnel.

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à la consommation, la finance, les technologies, l'énergie et l'éducation.

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