La revue Communication Earth and Environment publiait une étude le 13 avril concernant la mer Caspienne. La plus grande mer fermée du globe, pourrait perdre jusqu’à 21 mètres de profondeur d’ici à la fin du siècle. Une perspective alarmante, dont les causes sont aussi humaines que planétaires. Cette baisse dramatique du niveau de la mer Caspienne, longtemps ignorée dans les débats climatiques, n’est plus une hypothèse lointaine, elle s’accélère à vue d’œil. Et les conséquences promettent d’être aussi brutales que durables.
Réchauffement climatique : la mer Caspienne s’évapore
Sous l’effet du climat, la mer Caspienne s’étiole
La mer Caspienne, enclavée entre la Russie, le Kazakhstan, le Turkménistan, l’Iran et l’Azerbaïdjan, n’a pas d’accès à l’océan. Cette particularité géographique la rend extrêmement sensible aux déséquilibres hydriques. Et le constat est sans appel : l’équilibre est rompu. Les scientifiques alertent sur un enchaînement infernal. L’élévation des températures, conjuguée à l’évaporation massive de l’eau et à la chute des précipitations, provoque une perte nette et rapide du volume d’eau.
À cela s’ajoute un autre facteur aggravant : l’apport en eau douce s’effondre. Les deux principales artères fluviales de la région, la Volga et l’Oural, voient leur débit reculer, incapables de compenser l’évaporation galopante. Selon les chercheurs cités par RFI, la mer Caspienne pourrait perdre jusqu’à 40 % de sa superficie actuelle, soit environ 143 000 kilomètres carrés d’eau. Une chute vertigineuse pour un bassin qui ne peut compter que sur lui-même pour se remplir.
Un cataclysme écologique sous-estimé
L’assèchement de la mer Caspienne ne menace pas seulement des paysages. Il condamne des espèces. Et pas n’importe lesquelles. Il suffirait d’une baisse de 5 mètres seulement pour que les zones de reproduction du phoque de la Caspienne, l’un des rares mammifères marins endémiques de la région, deviennent inhabitables.
Même sort pour les esturgeons, producteurs historiques du caviar mondial, déjà considérés comme gravement menacés par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La faune migratoire, quant à elle, pourrait perdre des centaines de zones humides vitales, étapes indispensables sur les grandes routes aviaires. Et puis il y a les effets collatéraux. Avec la disparition des écosystèmes humides, c’est tout un réseau de chaînes alimentaires, de pollinisateurs, de poissons, d’oiseaux, qui s’érode, menaçant la biodiversité régionale et continentale.
Un choc socio-économique inévitable
Mais l’effondrement n’est pas seulement naturel. Il est humain, terriblement humain. Plus de 15 millions de personnes vivent sur les côtes de la mer Caspienne. Et leur avenir s’annonce... sec. Selon l’analyse relayée par RFI, certaines villes portuaires pourraient se retrouver à plusieurs dizaines de kilomètres du rivage, transformant des infrastructures maritimes entières en vestiges d’une époque engloutie... par la terre. Le transport maritime, la pêche, l’industrie halieutique, le tourisme fluvial : tous sont menacés de devenir obsolètes.
Et l’Azerbaïdjan, qui tire une part significative de ses revenus côtiers du secteur halieutique, voit déjà les pêcheurs tirer la sonnette d’alarme. Faut-il rappeler que la mer Caspienne est aussi une zone stratégique pour l'extraction de pétrole et de gaz ? La progression de la ligne de rivage vers le large risque de rendre inaccessible une partie des gisements et de compromettre les pipelines côtiers.
Vers un avenir aride, à moins d’agir dès maintenant
L'étude appelle à une adaptation immédiate. Il ne s’agit plus de sauver la mer, mais de sauver ce qu’elle irrigue encore. Les chercheurs évoquent la nécessité de diversifier l’économie des régions riveraines, de repenser les aires protégées, de réaliser des plans de repli pour les villes côtières.
Mais soyons honnêtes : ce n’est pas qu’un problème local. Ce désastre est une incarnation régionale d’un chaos global. C’est le symptôme d’une planète qui s’assèche, au sens propre comme au figuré. Et pendant que les modèles climatiques projettent des scénarios, ce sont des territoires, des écosystèmes et des peuples entiers qui trinquent.