PFAS : Une interdiction française au service de l’environnement ou un sabordage industriel ?

Par La rédaction Publié le 14 février 2025 à 11 h 59
Startups Industrielles Pilier Reindustrialisation Soutenir

L’Assemblée nationale s’apprête à voter une loi interdisant une large gamme de PFAS d’ici 2026, une mesure présentée comme un progrès sanitaire et environnemental. Mais derrière ce discours officiel se joue un affrontement stratégique aux répercussions bien plus vastes. En prenant l’initiative d’une interdiction unilatérale, la France ne risque-t-elle pas de se tirer une balle dans le pied face à ses concurrents étrangers ?

Des substances au cœur de l’industrie moderne

Les PFAS, ces « polluants éternels » décriés pour leur persistance dans l’environnement, sont aussi des composants clés de l’industrie moderne. Leur résistance thermique et chimique en fait des éléments indispensables dans l’aéronautique, les semi-conducteurs ou encore le domaine médical. Prohiber leur usage sans alternative viable revient à fragiliser des pans entiers de l’industrie hexagonale.

Alors que les géants asiatiques et nord-américains continuent d’en produire, les entreprises françaises risquent de voir leur compétitivité s’effondrer. En l’absence de solutions de remplacement éprouvées, cette interdiction revient à un transfert de production hors de nos frontières, sans véritable bénéfice environnemental à l’échelle globale.

Un déséquilibre réglementaire au profit de la concurrence étrangère

L’Union européenne ne reste pourtant pas inactive sur le sujet. Depuis 2006, la directive REACH interdit certains PFAS spécifiques et des restrictions plus globales sont attendues pour 2025. Plutôt que d’attendre un cadre harmonisé, la France choisit une voie isolée, instaurant des normes bien plus strictes que ses voisins. Un choix qui pourrait profiter aux industriels scandinaves et américains, dont certains ont déjà anticipé un marché sans PFAS et cherchent à imposer leurs solutions alternatives.

Le cas suédois est emblématique : depuis deux décennies, Stockholm milite pour l’éradication des PFAS, une position qui sert habilement ses propres intérêts industriels. Des multinationales nordiques comme Electrolux ou SKF, engagées dans la transition vers des substituts, s’imposent progressivement comme leaders sur ce marché naissant. Le parallèle avec d’autres offensives économiques européennes est frappant : l’Allemagne et la filière nucléaire, ou encore la pression bruxelloise sur l’industrie automobile française, illustrent bien comment l’économie se joue aussi sur le terrain réglementaire.

Une menace pour l’emploi et l’innovation française

Plus de 5 000 emplois directs sont en jeu dans les industries liées aux polymères fluorés. Certaines entreprises avaient déjà engagé des investissements dans des solutions de recyclage et de gestion des déchets PFAS. Une approche progressive aurait permis d’accompagner cette transition, au lieu d’imposer une rupture brutale qui risque de brider la capacité d’innovation des industriels français.

L’exemple allemand est à méditer : Berlin ne rejette pas la nécessité d’une réglementation plus stricte, mais mise sur une interdiction graduelle, avec un soutien massif à la recherche de substituts. En comparaison, la politique française apparaît précipitée, risquant de nuire à son industrie sans gain tangible en matière de pollution globale.

Une contradiction avec les objectifs stratégiques français

Le paradoxe est criant : alors que la France affiche sa volonté de reconquérir une souveraineté industrielle, elle s’apprête à handicaper un secteur clé sans concertation européenne. Les PFAS sont essentiels à la fabrication de nombreuses technologies stratégiques, notamment dans les batteries des véhicules électriques ou les membranes utilisées dans les éoliennes. En les bannissant trop rapidement, le pays prend le risque de freiner sa propre transition écologique.

L’enjeu dépasse donc largement la simple question environnementale. Derrière cette interdiction, c’est tout un pan de l’industrie française qui se retrouve fragilisé, tandis que les grands acteurs internationaux poursuivent leur route sans entrave. Une stratégie qui, loin de protéger l’environnement, pourrait bien se traduire par une perte sèche de souveraineté et de compétitivité industrielle.

Aucun commentaire à «PFAS : Une interdiction française au service de l’environnement ou un sabordage industriel ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.