Le mercredi 28 mai, les pays de l’Union européenne ont voté en faveur du texte de la proposition permettant aux Etats-membres d’interdire certains OGM particuliers. Mais le texte présente dans son dispositif, une énorme faille favorable aux géants des biotechnologies.
Dans sa formulation actuelle, le texte proposé par la présidence de l’Union européenne (actuellement la Grèce) stipule que si un Etat-membre veut interdire un OGM, il devra d’abord demander à la compagnie de biotechnologie elle même de ne pas le commercialiser sur son territoire. Si celle-ci refuse, la seconde option pour ce pays sera de donner certains arguments politiques à partir d’un ensemble limité de possibilités. C’est la seconde faiblesse majeure de cette proposition : ce type d’arguments introduisent une insécurité juridique et pourraient tout simplement être rejetés par les tribunaux.
Grâce à la loi sur la liberté de l’information du Royaume-Uni, le groupe GeneWatch s’est procuré des documents qui dévoilent combien EuropaBio, le groupe de pression de l’industrie des biotechnologies à Bruxelles, a plaidé pendant deux ans en faveur précisément de cette approche. Un document de trois pages, intitulé « Une nouvelle stratégie pour le dossier des OGM » date de 2012. Ce document conclut qu’une nouvelle approche est nécessaire pour rompre avec l’immobilisme européen concernant les plantes GM. Il inclut une « proposition amendée de nationalisation », posant comme condition que les Etats-membres ne puissent mettre en place une interdiction nationale que s’ils ont préalablement demandé à la compagnie de s’abstenir de commercialiser l’OGM dans leur pays et que si la compagnie a refusé.
Une autre condition posée par EuropaBio est qu’un seuil de contamination soit convenu par les états membres, afin d’autoriser des OGM non autorisés dans les semences (c’est déjà le cas pour la nourriture animale, mais pas encore pour l’alimentation humaine ni les semences). Dernier point mais non des moindres, EuropaBio demande que les Etats-membres ne votent plus au niveau européen contre une demande d’autorisation d’OGM, s’ils peuvent utiliser pour l’interdiction nationale une de ces deux options. Suit une liste détaillée des éléments nécessaires pour obtenir le soutien des gouvernements allemand, français et du Royaume-Uni ainsi que de la Commission européenne. Il est noté dans ce document que « Ces changements paraissent acceptables pour de nombreux pays européens. Même si certains pays s’y opposent, en gagnant les votes du Royaume-Uni et de l’Allemagne, on compense toute perte de votes ».
L’ensemble des textes publiés par GeneWatch indique qu’il existe aussi une étroite relation entre les lobbyistes d’EuropaBio, le Conseil des Biotechnologies Agricoles (Agricultural Biotechnology Council) et l’équipe qui s’occupe des OGM au sein du ministère de l’Environnement. Un e-mail envoyé le 17 avril 2013 par EuropeBio, apportant une « contribution » à l’équipe du Royaume-Uni suite à une rencontre précédente, conseillait à l’équipe de « donner au message une forte image environnementale » (mais aussi une image d’innovation et de compétitivité). EuropaBio conseillait la prudence dans la communication sur la « nationalisation », même si à première vue, il pouvait paraître tentant de relier le thème des OGM avec « un transfert de pouvoir de Bruxelles ». L’équipe qui s’occupe des OGM répondit le même jour qu’elle préférait le terme « accent » à celui d’ « image » et expliquait les particularités d’une interdiction dans le cas du Royaume-Uni.
Pour le Dr Helen Wallace de GeneWatch il est clair que le gouvernement a travaillé étroitement avec l’industrie des OGM pour « obtenir une version des dérogations nationales favorable à Monsanto ». Le but de ces deux acteurs est de déverrouiller le système de décision des autorisations d’OGM pour la mise en culture. Elle rajoute : « Si les gouvernements renoncent à souligner les méfaits du plantes GM Roundup Ready (tolérantes au Roundup), celles-ci pourraient faire l’objet d’un procédure accélérée et être cultivées dans certaines parties de l’Europe, malgré les méfaits probables pour la vie sauvage. Nous devons améliorer l’évaluation des risques liés aux OGM et non pas faciliter la contamination de l’alimentation animale et humaine et des semences dans le marché européen avec des OGM dont personne ne veut ».