À Londres, le mouvement Occupy, auquel la ville de Londres vient d’ordonner de débarrasser le plancher, n’est pas fait que de manifs et de protestations. Toute une vie universitaire s’y est implantée.
Occupy London ou l’école de la vie
À Londres, le mouvement Occupy, auquel la ville de Londres vient d’ordonner de débarrasser le plancher, n’est pas fait que de manifs et de protestations. Toute une vie universitaire s’y est implantée.
Quelques jours après l’arrivée des protestants sur le parvis de la cathédrale Saint-Paul au mois d’octobre dernier, la Tent City University, un barnum installé à quelques mètres d’une grosse artère routière et meublé de quelques canapés et chaises en piteux état, a ouvert ses portes. Activistes et passants se pressent assister aux discussions lancées par plusieurs professeurs d’université sur des sujets variés comme le commerce international, la philosophie, la théologie et le printemps arabe.
Des débats de haut niveau
"Étudiants" comme professeurs y trouvent leur compte. Richard Werner, qui enseigne le système bancaire international à l’Université de Southampton, a apprécié cette expérience.
C’est différent car les personnes qui assistaient au cours posaient des questions bien plus pertinentes que mes étudiants habituels. Cela m’a surpris. Il s’agissait de personnes qui avaient beaucoup lu, qui comprenaient déjà certains des problèmes et qui avaient déjà pensé à des solutions possibles. Les questions étaient donc bien plus détaillées et engagées.
Ted Honderich, professeur émérite de philosophie de l’esprit et de logique au University College London (UCL), a également apprécié l’expérience.
Vous pouvez donner des conférences à de nombreux endroits, mais cette tente est particulièrement intéressante. C’est fantastique de discuter avec des personnes qui éprouvent un grand sens de la dignité morale. Vous ne pouvez pas dire la même chose d’un cours d’introduction générale à la philosophie à 10 h du matin au University College.
Une organisation improvisée
Et pourtant, le barnum est loin d’être l’amphithéâtre idéal, selon Tim Gorringe, professeur de théologie à l’Université d’Exeter.
C’est très bruyant. Un jour, j’ai donné un cours alors qu’il y avait du vent, c’était insupportable. En plus, il y a le bruit de la circulation et les cloches de la cathédrale vous résonnent dans les oreilles. J’utilisais un micro mais les piles ont lâché en plein milieu et il m’a fallu un tiers du cours pour les remplacer. Et puis, il n’y a aucune discipline. Les gens entrent et sortent comme dans un moulin, vous ne savez jamais vraiment à qui vous vous adressez. En revanche, les gens posent des questions fondamentales que personne ne poserait dans les universités classiques.
La devise de l’Université des idées, comme elle est surnommée, est la suivante : "Tout le monde peut enseigner, tout le monde peut apprendre". Pour connaître à l’avance les conférences qui vont avoir lieu, un calendrier publié sur le web est à la disposition des "étudiants".
Pour voir la créatrice de mode Vivienne Westwood parler du rapport entre crise écologique et crise économique, en savoir plus sur les révolutions arabes vues par un professeur de la University of London’s School of Oriental and African Studies, savoir comment lancer votre propre caisse d’épargne ou participer à un atelier de tricot et de jonglage, il faut se presser à Londres. Car la municipalité vient d’ordonner par arrêté que le camp soit levé.