Mercosur : commerce et écologie peuvent-ils coexister ?

Si l’accord Mercosur représente une avancée pour le commerce international, il illustre également les tensions entre développement économique et préservation environnementale.

Ade Costume Droit
Par Adélaïde Motte Publié le 6 décembre 2024 à 16 h 22
agriculture, mercosur

Le Mercosur, un levier pour l’adoption de standards environnementaux

L’accord prévoit une clause environnementale qui oblige les pays du Mercosur à respecter les engagements de l’Accord de Paris sur le climat. En théorie, cela pourrait inciter ces nations à renforcer leurs politiques écologiques. L’Union européenne pourrait également utiliser cet accord comme un levier pour exporter ses technologies vertes, notamment dans le domaine de l’agriculture de précision et des énergies renouvelables. Camille Bernard, experte en commerce durable, estime que « cet accord, bien qu’imparfait, pourrait encourager un dialogue environnemental renforcé entre les deux régions, à condition que l’UE reste vigilante sur la mise en œuvre des engagements pris. »

En ouvrant le marché sud-américain aux produits européens, l’accord pourrait stimuler la diffusion de technologies et de savoir-faire en matière de durabilité. Par exemple, les outils agricoles européens, souvent plus économes en eau et en énergie, pourraient devenir accessibles aux producteurs sud-américains, réduisant ainsi leur empreinte environnementale.

Les défis écologiques du Mercosur : des risques pour la biodiversité et le climat

L’un des principaux points de friction est l’impact indirect de cet accord sur la déforestation. L’Amazonie, surnommée le « poumon de la planète », est déjà sous pression en raison de l’expansion agricole. Le Brésil, principal partenaire du Mercosur, utilise massivement ses terres pour produire du soja et du bétail destinés à l’exportation. Cette expansion pourrait s’intensifier si les barrières commerciales diminuent.

Les ONG environnementales, telles que WWF et Greenpeace, rappellent que l’augmentation des exportations agricoles pourrait aggraver la situation. Selon un rapport de Greenpeace, « chaque hectare de forêt détruite pour l’agriculture alimente une spirale de perte de biodiversité et d’émissions de CO₂. »

L’accord implique une intensification des échanges commerciaux transatlantiques. Les produits agricoles, souvent volumineux, nécessitent un transport maritime à grande échelle, contribuant à des émissions de CO₂ significatives. Bien que le fret maritime soit relativement efficace en termes d’énergie par tonne transportée, l’impact environnemental cumulé de ces flux reste non négligeable.

Vers un modèle de commerce écologique ?

L’Union européenne a intégré à l’accord des mécanismes de contrôle pour garantir que les produits importés respectent les normes environnementales européennes. Cela inclut des restrictions sur l’utilisation de pesticides interdits en Europe et des certifications pour assurer une traçabilité rigoureuse. Toutefois, la mise en œuvre effective de ces mesures reste un défi, notamment dans des pays où la réglementation locale est moins stricte.

Le Mercosur, riche en ressources naturelles, pourrait également devenir un partenaire clé pour l’Europe dans sa transition énergétique. Le potentiel des énergies renouvelables en Amérique latine, notamment dans l’hydroélectricité et le solaire, pourrait être mieux exploité dans le cadre de ce partenariat. Cependant, cela nécessitera une coopération accrue pour garantir que ces projets respectent des normes élevées de durabilité.

Une concurrence jugée déloyale par les agriculteurs

Les agriculteurs européens, et notamment français, s’inquiètent de l’impact de cet accord sur leur activité. L’importation de produits agricoles sud-américains, comme le soja ou la viande bovine, à des prix bien inférieurs à ceux du marché européen, pourrait les placer dans une position intenable. Ces produits, souvent issus de pratiques agricoles intensives et moins réglementées, bénéficient de coûts de production nettement inférieurs. Julien André, éleveur en Bourgogne, témoigne : « Nous respectons des normes strictes pour la qualité et la traçabilité de nos produits. Comment rivaliser avec des produits importés qui ne suivent pas les mêmes règles ? »

Outre les préoccupations économiques, les agriculteurs européens s’interrogent sur la compatibilité de cet accord avec les ambitions écologiques de l’UE. L’agriculture européenne, souvent mise sous pression pour adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement, notamment en ce qui concerne les pesticides, pourrait être concurrencée par des produits importés issus de modèles peu durables. Ces importations massives risquent également de dissuader les producteurs locaux d’investir dans des pratiques écologiques, faute de moyens financiers suffisants.

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