Le déploiement du compteur intelligent a désormais atteint son rythme de croisière. Malgré les vents contraires ayant soufflé avec force au début de l’opération, 35 000 boîtiers seront installés chaque jour d’ici à 2021.
Déjà plus de trois millions de compteurs Linky posés sur l’ensemble du territoire national, et ce malgré les nombreuses polémiques qui ont accompagné l’opération depuis son début. Alors que la mobilisation des opposants avait réussit à faire douter Enedis de la faisabilité du projet, force est de constater que les objectifs que l’énergéticien s’était fixés sont en passe d’être atteints.
Le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité en France tablait en effet sur trois millions de compteurs déployés fin 2016. Cela a pris à peine quelques mois de plus, la barre des trois millions ayant finalement été franchie en février 2017. Mais il est désormais certain qu’Enedis pourra atteindre les sept millions de compteurs annoncés pour la fin 2017 et les 35 millions prévus à l’horizon 2021. Et cela grâce notamment à la formation de 5 000 techniciens qui devront réaliser chaque jour la pose de 35 000 compteurs.
Le succès de l’opération était cependant moins sûr il y a quelques années. Dès 2011, des associations pointent les risques sanitaires pouvant être causés par les ondes électromagnétiques émises par Linky du fait de son utilisation des courants porteurs en ligne (CPL). Cette appellation désigne toutes les technologies visant à faire passer de l’information à bas débit ou haut débit sur les lignes électriques en utilisant des techniques de modulation avancées. En clair, le CPL consiste à ajouter une fréquence supplémentaire sur les fils existants pour transporter des données.
Il n’en fallait pas moins pour éveiller les craintes de nombreuses personnes, dont certaines se déclarant « électrosensibles ». Pour elles, le CPL constitue une menace majeure pour la santé car le réseau d’Enedis n’a pas été conçu pour accueillir cette injection supplémentaire de fréquences. N’étant pas « blindé », ce réseau ne pourrait que permettre un rayonnement toxique « mesurable jusqu’à 2,50 mètres de tous les câbles encastrés dans les murs », comme le dénonçait notamment l’association Next up.
Des expertises rassurantes
De nombreuses études indépendantes sont cependant venues contredire ces affirmations. La dernière en date est celle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Diffusée en décembre dernier, l’étude de l’Agence affirme que « les niveaux d’exposition au champ électromagnétique produit par le compteur lui-même, mais aussi par la communication CPL qui parcourt les câbles électriques, sont très inférieurs aux valeurs limites d’exposition réglementaires ».
L’Anses précise que le compteur intelligent d’Enedis est « à l’origine d’une exposition comparable à celle d’autres équipements électriques déjà utilisés dans les foyers depuis de nombreuses années (télévision, chargeur d’ordinateur portable, table de cuisson à induction…) ».
D’autres agences avaient rendu des avis similaires à celui de l’Anses. L’Agence nationale des fréquences (ANFR), s’est penché deux fois sur la question. En mai 2016, elle publiait les résultats des mesures de champs électromagnétiques créés par les compteurs Linky effectuées en laboratoire. Et l’agence complétait son étude en septembre dernier en publiant les résultats de nouvelles mesures effectués en laboratoire et chez des particuliers. Dans tous les cas, les niveaux d’exposition sont « très faibles » et « très en-dessous des valeurs limites réglementaires ».
Les niveaux de champs électriques mesurés in situ se situent en effet « entre 100 et 350 fois sous la valeur limite réglementaire de 87 V/m [volt par mètre] dans la bande de fréquence utilisée par Linky (35-91 kHz) », révèle l’étude. Quant aux champs magnétiques des compteurs en émission CPL mesurés in situ, ils se situent « entre 200 et 600 fois sous la valeur limite réglementaire de 6,25 µT [microtesla] dans cette bande de fréquence ».
Une opposition constante et déterminée
Mais Linky n’en était pas au bout de ses peines. Malgré les études, les expertises et les déclarations enthousiastes, y compris du gouvernement, les doutes persistaient. Se posait-on des questions sur la protection des données et le respect de la vie privée des usagers ? Enedis invoquait la CNIL et son avis positif concernant le stockage local de la courbe de charge (la représentation graphique de l’évolution de la consommation d’énergie pendant une durée).
S’organisait-on pour refuser la pose du boîtier ou prenait-on des arrêtés municipaux dans le même but ? Le gestionnaire rappelait aux élus locaux qu’il est responsable des compteurs sur la plupart des communes françaises et qu’il peut procéder à la modification ou au remplacement de ces dispositifs en fonction des évolutions technologiques.
Enedis a ainsi dû faire face à une opposition constante et déterminée. Mais à en croire les chiffres diffusés par l’énergéticien concernant la progression de l’installation du compteur, la raison a fini par l’emporter sur la peur. Et la France devrait pouvoir avancer, comme la plupart de ses voisins européens, vers la mise en place d’un réseau électrique intelligent ou « smart grid », dont Linky constitue la première brique.