Soucieux de voir un accord sur le climat qui prendrait en compte la responsabilité différenciée des états en ce qui concerne le réchauffement climatique, les pays africains ont rédigé une lettre adressée au président français et hôte de la conférence, François Hollande. Afin de ne pas réitérer le fiasco de Copenhague, cet ultimatum posait un préalable à tout accord : des engagements financiers immédiats en faveur de l'Afrique afin qu’un dédommagement et une aide au développement durable. Parmi les porteurs de cette initiative forte, le Guinéen Alpha Condé et le président congolais Denis Sassou-Nguesso qui, dès l’ouverture de la conférence, a martelé que les pays pollueurs devaient cette fois tenir leurs engagements.
L’Afrique subsaharienne est la région du monde qui a le moins contribué au réchauffement climatique, avec moins de 4 % d’émissions de CO2 mondiales(contre 26 % pour la Chine et 15 % pour les Etats-Unis en 2012). Les Africains sont pourtant au premier rang des victimes du changement climatique : alternance de sécheresse et d’inondations, désertification progressive de régions entières, baisse de la productivité agricole, aggravation de la crise alimentaire, etc. La liste est longue et les doléances africaines apparaissent plus que légitime.
D’autant qu’avec un réchauffement climatique estimé à trois degrés si rien n’est fait pour réduire les émissions de GES, ces répercussions s’alourdiraient considérablement. La première question cruciale est donc celle du réchauffement climatique. « Si l’on dit une limitation de l’augmentation des températures à deux degrés au niveau mondial, ça veut dire trois degrés pour l’Afrique d’où la raison d’avoir une limitation de 1,5 degré voire même le plus bas possible », explique SeyniNafo, le porte-parole du groupe Afrique. Cette exigence, dont l’échéance est fixée à l’année 2100, se justifie par la position géographique du continent : « Il y a des facteurs qui font qu’il y a 50 % de réchauffement en plus qu’au niveau global », poursuit encore SeyniNafo.
Autre enjeu important pour les pays africains : les pertes et préjudices. Leurs interrogations se cristallisent sur le fait que la notion de responsabilité des pays développés soit reconnue et intégrée à l'Accord de Paris, pour servir de base au financement des pertes et préjudices qu’ils ont subis. La lutte contre la désertification devient particulièrement urgente aux abords du lac Tchad, entre le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigeria. « Il n'y a plus de pluie, donc tout le monde s'exile », déplore une représentante de l’association pour la promotion des femmes et filles du Grand Kanem, présente au Bourget.
« Il n'y a plus d'hommes sur place, il n'y a que des femmes et des enfants. Les hommes sont en ville, dans la capitale, en train de faire un travail qui n'est pas de l'agriculture et laissent sur place femmes et enfants avec strictement rien à manger. Les femmes qui veulent faire du maraîchage, elles le font une fois sur deux. Il n'y a pas d'eau. Les femmes se réveillent le matin pour aller chercher cette eau et reviennent cinq ou six heures après. Là-bas c'est le désert à 100 %. » La misère qui en résulte a par ailleurs largement aidé le groupe terroriste Boko Haram à recruter dans la région, avec les conséquences qu’on connait.
Lors de la conférence de Copenhague, les pays en voie de développement avaient été largement ignorés dans leur requête et aucun engagement écologique proportionnel à l’emprunte historique en matières de GES n’avaient été pris. Aussi, pour cette nouvelle conférence, il était hors de question pour l’Afrique de laisser les pays développés faire bande à part une seconde fois. Prenant la parole lors de la cérémonie d’ouverture, le chef de l'Etat congolais s’est fait porte-parole du continent laissé pour compte, et a tenu un discours qui s'est voulu plutôt pédagogique, en mettant les dirigeants du monde devant leur responsabilité: « la terre, notre merveilleuse demeure, est en péril croissant. En grande partie par notre faute. Les activités humaines, l’emprise outrancière de l’homme sur la nature ont engendré de profondes transformations de l’environnement, intensifiant, chaque jour, les changements climatiques ». Aussi a-t-il fermement rappelé que seul un accord juridiquement contraignant « dans lequel s'engagent prioritairement les pays contributeurs de CO2 » obtiendrait l’aval des Africains.
Le rôle endossé par Sassou-Ngesso tombe plutôt bien. Déjà, il se trouve à la tête d’un pays largement boisé : sa couverture forestière représentant 65 % de son territoire national, soit 23 millions d’hectares de forêts naturelles, contribuant ainsi largement au recyclage de dioxyde de carbone à l’échelle planétaire. De plus, sa politique de conservation des forêts est exemplaire : le Congo détient l’un des taux de déforestation les plus faibles au monde, soit 0,08 %. Denis Sassou-Nguesso, fort de soutien populaire à sa réforme constitutionnelle votée fin octobre et promulguée début novembre, est dans une position idéale pour porter le projet africain. Assuré de rester au pouvoir par la très large majorité qui a soutenu son projet de réforme (plus de 92 % pour une participation de 72,44 %) il pourra développer et implémenter ce projet durant les années à venir. Il n’a pas chômé durant la conférence, rencontrant en entretien privé pas moins de six ministres, dont le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, le Premier ministre, Manuel Valls et la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Ségolène Royal.
La Cop21 a été l’occasion de remettre les pendules à l’heure alors que ce sont les pays les moins pollueurs qui souffrent le plus de l’accumulation des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère terrestre. Une énième inégalité que la COP 21 ne doit pas prendre à la légère.