On l’a appris début janvier, l’entreprise américaine General Electric a décidé de suspendre son projet hydrolien du Raz Blanchard pour cause de timidité du marché français. Explication quelque peu hâtive au moment où se multiplient, en France, dans l'hydrolien, un certain nombre d’initiatives apportant des réponses encourageantes aux enjeux économiques et industriels de demain.
Un secteur qui capitalise sur le savoir-faire des entreprises françaises
Quelques jours plus tôt, DCNS annonçait justement la création de sa filiale, DCNS Energies, spécialisée dans les énergies marines. Expert dans l’industrie navale militaire, le groupe industriel français entend bien, grâce à cette nouvelle entité, faire d’une pierre deux coups : capitaliser sur les avantages de cette énergie et sur son savoir-faire industriel.
Grâce à sa nouvelle filiale, DCNS, entreprise française quatre fois centenaire s’inscrit dans la transition énergétique et participe au déploiement des capacités d’installation renouvelables tricolores en mettant son expertise de maître d’œuvre de systèmes navals au service du développement de l’énergie marine. Une complémentarité qu’Hervé Guillou, PDG de DCNS, souligne en ces termes : « il n’y a rien de plus semblable à une hydrolienne qu’une propulsion sous-marine ». Dans un cas, « c’est le sous-marin qui bouge en poussant l’eau », dans l’autre « c’est l’eau qui bouge et qui pousse l’hélice ». Cela fait déjà plusieurs années que le groupe souhaitait se positionner sur le marché hydrolien afin d’y proposer des solutions clefs en main. Une attitude volontariste qui pourrait constituer un véritable tremplin pour l’entreprise et lui donner la possibilité de se positionner en leader de l’hydrolien sur le marché international.
On a tendance à l’oublier, mais alors qu’il constitue une richesse incontournable, le milieu océanique reste encore largement inexploité. Sources inépuisables d’énergie (potentiellement 3 à 5 GW en France, soit l’équivalent de 2 à 4 EPR), les courants marins ne présentent en effet pas le caractère intermittent des énergies éolienne ou solaire. En outre, l’impact environnemental des hydroliennes est relativement faible : dépourvues de signature visuelle, elles sont implantées hors des zones de chalutage. Ce sont des atouts importants aux yeux des populations, qui accueillent d’autant plus favorablement les projets hydroliens qu’ils répondent directement à des préoccupations locales et environnementales. C’est le cas par exemple du projet de Paimpol-Bréhat, dans la baie de Saint-Brieuc, pour lequel DCNS est partenaire d’EDF, et dont la mise en œuvre a pu s’effectuer sans opposition majeure.
L’énergie hydrolienne au service d’enjeux socio-économiques concrets
En plus d’offrir des débouchés à l’industrie navale française, l’hydrolien répond à un certain nombre d’enjeux très concrets.
Enjeux économiques d’abord, avec de nombreuses créations d’emplois à la clé. Selon l’association Ocean Energy Europe, le secteur hydrolien pourrait contribuer à la création de 10 à 12 emplois directs et indirects par mégawatheure (MW) installé. Des perspectives d’autant plus prometteuses pour le marché du travail français que DCNS et EDF comptent déployer, d’ici 2018, jusqu’à 14 MW de puissance hydrolienne au large de Cherbourg. D’ici là, DCNS Energies devrait avoir créé une quarantaine d’emplois avec une première usine de production d’hydroliennes basée sur la côte manchoise. Nouveaux emplois auxquels s’ajoutent ceux des 250 ingénieurs et techniciens mobilisés depuis plusieurs années au sein de la cellule Recherche & Développement de DCNS pour faire de l’hydrolien une véritable filière industrielle exportatrice et compétitive.
Enjeux climatiques d’autre part : non émettrice de gaz à effet de serre, ne produisant aucun déchet et, contrairement aux autres sources d’énergie vertes (solaire, éolien, géothermie, biomasse), prévisible et constante, l’énergie hydrolienne constitue une réponse idéale aux objectifs de lutte contre le réchauffement climatique post-COP21, et de diversification du mix énergétique tricolore. Des enjeux cruciaux au cœur de la campagne présidentielle en cours, mais plus généralement, et dans le contexte de transition actuel, pour la poursuite de la mutation de la politique énergétique de l’Hexagone.
En pariant sur l’hydrolien, les grands acteurs énergétiques français (DCNS, EDF, etc.) ajoutent leur pierre à l’édifice de l’indépendance énergétique française. Contribuant à mettre le pays un peu plus à l’abri des turbulences du marché énergétique mondial, ils lui permettent d’envisager plus sereinement la problématique de l’approvisionnement énergétique tout en facilitant, à terme, la gestion du réseau électrique français.
Crédit photo : @EDF - BETERMIN FRANCK