Une balle dans la tempe. C’est la récompense reçue par João da Gaita pour avoir osé dénoncer la déforestation illégale. Plus chanceux, son ami Junior José Guerra, a juste vu sa maison détruite et ses deux enfants menacés…
L’exil ou la mort
Les activistes brésiliens qui dénoncent la déforestation illégale peuvent s'attendre à recevoir la visite de tueurs à gages. Une balle dans la tempe, ce fut la récompense reçue par João da Gaita pour avoir osé parler. Son ami, Junior José Guerra, a juste eu un petit peu plus de chance, sa maison a été détruite, ses deux enfants menacés... Il est aujourd'hui condamné à un exil incertain après des années à construire sa vie en Amazonie.
Je ne peux pas rentrer.
Guerra fait partie de ces nouveaux réfugiés écologiques de l'Amazonie. Trois mois après le brutal assassinat de son ami, il doit vivre caché.
On m'a dit qu'ils essayaient de me trouver. La situation est très compliquée.
João da Gaita, 55 ans, et Guerra, 38 ans, habitaient près de la BR-163, route éloignée et semée d’embuches qui coupe l’état du Pará du nord au sud. Ils avaient émigré du Sud du Brésil à la recherche d’une vie meilleure. Ils n’étaient pas des activistes écologiques, ils auraient, au contraire, été impliqués dans des crimes contre l’environnement. Malgré cela, ils avaient choisi de commettre ce qui est considéré comme un péché capital dans ce recoin isolé du Brésil: ils ont dénoncé des criminels qui factureraient des millions en découpes illégales au cœur même des unités de conservation.
Dans cette région souvent comparée au Far West, la trahison envers les pilleurs de la forêt conduit au cercueil ou à l’exil. En octobre 2011, les deux hommes avaient remis aux autorités un dossier détaillé sur les exactions de différents trafiquants de bois.
Un enjeu essentiel pour le Brésil
Le Brésil peut faire valoir le chemin parcouru dans sa lutte contre la déforestation. En décembre, le gouvernement a annoncé que la destruction de l’Amazonie était tombée à son niveau le plus bas en 23 ans. Mais les menaces constantes contre les activistes écologiques gâchent ces bons résultats.
Ce qui est en jeu c’est la capacité du gouvernement à protéger les forêts et leurs habitants.
Eliane Brum, journaliste brésilienne qui a remporté de nombreux prix pour ses reportages sur l’Amazonie, pense que le Brésil est face à un défi majeur:
Si rien n’est fait, le gouvernement sera décrédibilisé lors de la conférence Rio +20.
D’après les chiffres du gouvernement, 49 “défenseurs des droits de l’homme” sont actuellement placés sous protection policière dans l’état du Pará, ainsi que 36 autres témoins dans des affaires en cours.
Dénoncer et mourir?
En 2011, après les assassinats fortement relayés par la presse des activistes José Cláudio Ribeiro da Silva et Maria do Espírito Santo, deux familles locales ont fui la région et pris une nouvelle identité. Comme Primo et Guerra, elles en savaient trop.
Dans l’état voisin d’Amazonas, où les activistes affirment que près de 50 personnes courent le risque imminent d’être assassinées. Après avoir échappé à une tentative d’assassinat, la leader rurale Nilcilene Miguel de Lima a dû s’enfuir.
Les pistoleiros et les assassins devraient être en prison, mais non, c’est moi qui suis prisonnière.
Elaine Brum, qui a rendu publiques les preuves de Guerra, estime que cette situation renforce l’idée établie:
Cela ne vaut pas la peine de dénoncer le crime organisé, car dénoncer signifie mourir.
Pas de protection pour les activistes écologistes
Ramais de Castro Silveira, Secrétaire-Exécutif des Droits de l’Homme, décrit la situation de Guerra comme “extrêmement sérieuse” et estime que ses préoccupations sont “légitimes”. Mais Guerra n’a pas été inclus dans le programme fédéral de protection des défenseurs des droits de l’homme car il n’est pas considéré comme défenseur des droits de l'homme. Silveira reconnaît qu’il n’existe aucune protection particulière pour les activistes écologistes.
Silveira estime que les assassins de Primo vont être capturés “à court ou moyen terme”.
Je ne crois pas que le drame par lequel ils sont passés et ils passent encore n’ait été vain.
En attendant, Guerra, sa femme et ses enfants vivent comme des fugitifs..
Nous devons rester forts et essayer de faire avec. On n’a pas le choix.