L’association des industriels indonésiens s’est retirée du mécanisme de certification pour l’huile de palme durable. La Malaisie, premier producteur mondial, promet de ne pas faire de même, mais s’insurge contre l’hypocrisie des multinationales de l’agroalimentaire.
Les producteurs d’huile de palme durable exaspérés par l’hypocrisie des acheteurs
Coup dur pour l’huile de palme durable. L’association des industriels indonésiens (second pays producteur) s’est en effet retirée du mécanisme de certification pour ce secteur. La Malaisie, premier producteur mondial, promet de ne pas faire de même, mais s’insurge contre l’hypocrisie des multinationales de l’agroalimentaire.
La "Table Ronde pour l’huile de palme durable" (RSPO) est une organisation internationale qui regroupe producteurs d’huile de palme, industriels de l’agroalimentaire, grandes surfaces, ONG environnementales... On pensait que cette association, qui s’est accordée sur un cadre de travail pour la certification "Huile de Palme Durable" (CSPO) avait le vent en poupe :
La surface de plantations pour la production d’huile de palme certifiée double chaque année depuis 3 ans, les multinationales telles Nestlé, Unilever, Carrefour ou Casino s’engagent à ne plus utiliser d’huile non certifiée dans leurs produits. Et pourtant, c’est bien une forte tempête qu’est en train de traverser le RSPO.
Fin septembre, l’association des producteurs d’huile de palme indonésiens (GAPKI), a annoncé son retrait du tour de table. C’est à dire rien de moins que le représentant du second pays producteur qui se retire ainsi de l’organisation. Raison avancée : GAPKI veut se consacrer exclusivement à son système national de certification…
Chute phénoménale des prix depuis 2008
Mais personne n’est dupe : les représentants de l’association indonésienne en ont assez des postures arrogantes de l’industrie occidentale facilement donneuse de leçons. Une posture cependant rarement accompagnée d’actions dès qu’il s'agit de mettre la main au portefeuille.
Suite à cette annonce en forme de tsunami, les regards se sont tournés du côté du premier pays producteur. L’association malaisienne des producteurs d’huile de palme (MPOA) a rassuré : elle n’a pas l’intention d’imiter le voisin indonésien. Cependant, les professionnels du pays en ont profité pour donner de la voix : ils en veulent aux multinationales. C’est Datuk Carl Bek-Nielsen, PDG du premier exportateur d’huile certifiée en Europe, United Plantations Bhd, qui l’explique le mieux :
Il y a 5,1 millions de tonnes d’huile certifiée qui ne trouvent pas preneur. Seulement 40% de la production est écoulée. En conséquence, le bonus de l’huile certifiée s’élève à 0,30 dollar [0,22 euro] par tonne, contre 50 dollars [36 euros] par tonne en 2008. En bref, nous sommes confrontés à une énorme hypocrisie venant de l’industrie agroalimentaire.
Selon lui, les producteurs qui ont fait la démarche pour obtenir la certification vendent désormais à perte. Ils ne remboursent pas les énormes investissements nécessaires pour obtenir le CSPO, à l’époque présenté comme le Graal qui leur assurerait des clients fidèles.
Conséquence environnementale fâcheuse
D’autre part, ce qui a été exigé des producteurs d’huile de palme ne l’a pas été des autres sources d’huile végétale, cela avantageant manifestement ces derniers . Et M. Bek-Nielsen de conclure : "Les multinationales nous ont fait des promesses merveilleuses, mais elles n’ont respecté ni ces promesses, ni l’esprit de la table ronde RSPO."
Le conflit est sérieux, puisqu’un autre membre influent de MPOA a appelé l’association à engager un moratoire sur les nouvelles démarches de certification CSPO pendant 3 ans. Que cette demande soit adoptée ou pas, on peut s’attendre à ce que la bataille entre producteurs et consommateurs fasse chuter le nombre de surfaces cultivées certifiées. Ce qui est bien malheureux...
Rappelons en effet que l’huile de palme est accusée de contribuer fortement à la destruction des forêts tropicales, de rejeter de grandes quantités de gaz à effet de serre, et d’être une menace à la biodiversité. On estime par exemple à 5000 le nombre d’orangs-outans victimes chaque année de cette exploitation non certifiée… Si rien n'est fait, 98% des forêts humides indonésiennes, habitat naturel des orangs-outans, auront disparu en 2022.