Une étude de l’Université d’Etat Paulista (Unesp) a identifié le mode opératoire du diuron, un herbicide largement répandu dans les cultures de soja et de canne-à-sucre, qui a provoqué des cancers de la vésicule sur des rats.
Les pesticides des cultures du soja et de la canne à sucre cancérigènes ?
Une étude de l’Université d’Etat Paulista (Unesp) a identifié le mode opératoire du diuron, un herbicide largement répandu dans les cultures de soja et de canne-à-sucre, qui a provoqué des cancers de la vésicule sur des rats.
« Nous avons démontré que, lorsqu’il est éliminé par l’urine, le diuron ou ses métabolites provoquent des nécroses multi-foyers de l’urothélium, le revêtement de la vésicule. En réaction, ce revêtement prolifère pour remplacer les surfaces lésées. La prolifération cellulaire continuant, elle finit par provoquer des erreurs dans les copies suivantes de l’ADN, certaines ayant une prédisposition au développement de tumeurs », affirme le médecin João Lauro Viana de Camargo, professeur titulaire de Pathologie de la Faculté de Médecine de Botucatu, de l’Unesp et responsable de l’étude.
Potentiel cancérigène
D’après le chercheur, ce mode opératoire montre que le diuron agit de façon non génotoxique, c’est-à-dire qu’il ne provoque pas, au départ ou directement, de lésion de l’ADN. Cette lésion se produit postérieurement, si l’exposition se prolonge dans le temps. Le potentiel cancérigène de cet herbicide pour l’homme avait déjà fait l’objet d’une alerte de l’EPA (Environmental Protection Agency) aux Etats-Unis.
L’étude, à laquelle des chercheurs de l’EPA et de l’Université du Nebraska ont également participé, a confirmé le potentiel cancérigène du diuron sur les rats, même avec des doses cinq fois moindres que celles qui étaient considérées nocives auparavant.
« Les modifications provoquées par le diuron sur la vessie du rat obéissent à la relation de dose-réponse, c’est-à-dire que plus la dose est forte, plus il y a de modifications moléculaires, ultra-structurelles et histologiques », explique Camargo. «Nous avons ainsi identifié la dose seuil, celle en-dessous de laquelle l’herbicide n’est pas cancérigène, même si l’animal est exposé pendant une durée prolongée.»
D’après le chercheur, la toxicité du produit se manifeste très tôt, dès le premier jour d’exposition à de fortes doses.
Un cocktail de pesticide dans le viseur
L’étude sur le diuron s’insert dans une recherche plus globale – le Projet Thématique “Pesticides agricoles, un facteur de risque” –, réalisée de 2007 à 2012. En plus du diuron, cinq pesticides, dont des traces avaient été retrouvées par l’Agence Nationale de Vigilance Sanitaire (Anvisa) dans la tomate consommée au Brésil, ont été analysés.
« Des rats mâles, alimentés pendant 8 semaines avec une ration contenant un mélange de pesticides à des doses relativement faibles, ont présenté un système hépatique avec une bio-transformation de substances chimiques potentiellement plus actif », affirme Camargo.
Cette découverte suggère que les organismes des animaux feraient un effort supplémentaire pour se débarrasser des substances étrangères auxquelles ils sont exposés. Mais le mélange n’a pas provoqué de développement de cancer hépatique sur des rats qui avaient été prédisposés artificiellement à ce type de maladie.
Des risques sur la fertilité
Cependant, un autre effet préoccupant a été constaté. Les rats mâles alimentés avec la ration contenant les pesticides ont présenté une réduction de la mobilité de leurs spermatozoïdes. « Ceci pourrait révéler une affectation de la fertilité des animaux », dit Camargo. Ceci reste au conditionnel car des modifications d’autres paramètres liés au système reproducteur masculin n’ont pas encore été mises en évidence.
Alerte aux autorités et aux consommateurs
Restant prudent, Camargo évite d’extrapoler à l’homme les découvertes faites sur les rats. « Pour une extrapolation rigoureuse, il faut comparer, pour chaque espèce, les processus métaboliques et biologiques par lesquels passent les substances analysées», souligne le professeur de l’Unesp.
Quoi qu’il en soit, les découvertes constituent une alerte importante pour les autorités sanitaires. Et également pour les consommateurs. Car, même si elle est encore balbutiante, la préoccupation concernant la consommation d’aliments sans résidus chimiques augmente au Brésil.