Les droits de 12 millions de femmes rurales menacés

Un projet de loi sur les Cours de justice est en discussion au Parlement sud-africain. Il pourrait éroder les droits de 12 millions de femmes vivant dans les régions rurales isolées du pays.

Par Cathy Phouphetlinthong Modifié le 12 juin 2012 à 10 h 22

Un projet de loi sur les Cours de justice est en discussion au Parlement sud-africain. Il pourrait éroder les droits de 12 millions de femmes vivant dans les régions rurales isolées du pays.

Le droit des femmes sud-africaines est-il en danger ? © BabaSteve

L’autorité légale aux chefs de villages

Ce projet de loi vise à "offrir aux Sud-Africains un meilleur accès à la justice" en évitant les déplacements vers les tribunaux de justice des villes. Avec ce projet, les leaders traditionnels des zones isolées recevraient un pouvoir unilatéral de décision. Ils s’occuperaient des cas civils comme des ruptures de contrat, des dommages à la propriété et de vols entre autres.

Mais des groupes de droits civiques luttent pour le déclarer inconstitutionnel. Selon Jennifer Williams, la directrice du Centre légal pour les femmes au Cap déclare:

Le projet placerait tous les pouvoirs dans les mains d’un seul homme. C’est un projet de loi basé sur un système patriarcal.

Dans le droit coutumier, les femmes ne sont pas égales aux hommes

Le leader pourrait interpréter la coutume à son bon vouloir. Les droits des femmes dans les campagnes seraient sérieusement menacés. Siyasanga Mazinyo, de l’ONG Rural People’s Movement  à Grahamstown, éclaire la situation:

« Les jugements traditionnels se tiennent près des enclos pour les animaux, les kraals. Or, les femmes n’ont pas le droit de s’asseoir près des kraals. Les veuves ainsi que les femmes en période de menstruation ne sont pas autorisées à se présenter aux procès. Elles doivent être représentées par un homme. Elles n’auront aucun impact sur le jugement et ne pourront qu’accepter la décision du juge. »

La South African Commission for Gender Equality (CGE), est une organisation luttant pour l’égalité des sexes en Afrique du Sud. Elle a rejeté le projet. Janice Hicks en est la directrice:

« Le projet mentionne que l’égalité entre les sexes ne se fera seulement si la tradition le permet. Or, dans la tradition, les femmes n’ont pas droit à la parole. De nombreux aspects du projet sont inconstitutionnels. C’est très inquiétant pour les droits des femmes. »

M* est une jeune Xhosa (ethnie sud-africaine) qui a eu besoin de l’aide du Centre légal pour les femmes. A 14 ans, elle a été mariée à un homme habitant avec sa fiancée à Johannesburg.  M* a été forcée de vivre avec les parents de son mari, où elle devait faire le ménage. Elle s’est s’enfuie pour retourner chez ses parents à plus de 500 km.  Le mari en colère a déposé un recours en justice dans son village. Il voulait le retour de son épouse, sa lobola (la dot payée) et les frais de justice remboursés. Grâce à l’intervention du Centre légal pour les femmes, il a été débouté et a dû payer les frais de justice.

Loi tribale contre loi civile

Selon la loi Xhosa, si une femme quitte son mari, il faut qu'il aille la chercher. Le père et le mari peuvent négocier les détails du retour sans la consulter et la dot doit être remboursée. Dès 14 ans, une adolescente peut être mariée.

Pour la loi civile, le mariage d’une adolescente serait invalide, et le mari aurait été accusé de détournement de mineur. Est-il possible de réconcilier la loi tribale et la loi civile en Afrique du Sud ?

Dans le cas où la loi serait promulguée, le « Women’s Legal Centre » est prêt à se pourvoir en justice pour attaquer son anticonstitutionnalité.

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