Alors que la campagne des municipales est repartie dans un climat particulièrement étrange, l’écologie reste l’un des principaux enjeux qui fait bouger les lignes au sein des états-majors des candidats à Paris. Les enjeux climatiques et énergétiques, de qualité de l’air et de pollution, d’alimentation saine ou même de réseaux intelligents, sont des composants essentiels de la campagne municipale parisienne. Quelles sont les propositions phares des candidats pour faire de Paris une ville durable ? Tour d’horizon.
Même si la crise de la Covid et la politique de distribution des masques se sont imposées dans le paysage médiatique de cette reprise de campagne, l’écologie s’accroche comme un enjeu incontournable. La plupart des candidats rivalisent de propositions et ont en tête un sondage d’avant premier tour qui place l’écologie au cœur des élections pour 85 % des citoyens (étude Elabe-Veolia). Urgence climatique, transition énergétique, qualité de l’air et lutte contre la pollution, place de la nature en ville… Tous les sujets sont sur la table. Mais derrière les discours souvent engagés, quelles sont les mesures concrètes prévues dans les programmes ? Comment agir dans une ville comme Paris, à court, moyen et long terme ?
Créer des espaces verts et planter des arbres
Tous les candidats mettent l’accent sur la nécessité de développer des espaces verts et naturels pour faire face aux épisodes de canicule, mieux respirer et « apporter de la nature en ville ». La maire sortante, Anne Hidalgo, s’appuie sur son plan de « rafraîchissement urbain » présenté en juillet dernier pour faire face aux pics de chaleur. Un programme qui prévoit la création de quatre « forêts urbaines », devant l’Hôtel de ville, derrière l’Opéra, sur le parvis de la gare de Lyon et sur une berge de Seine. Elle promet également la végétalisation et le réaménagement des places de la Concorde et l’Etoile et prévoit de planter 170 000 arbres en six ans, « partout où c’est possible ».
David Belliard, le candidat écologiste (EELV) allié à Anne Hidalgo pour ce second tour, propose de libérer 60 hectares, notamment en transformant des places de stationnement, pour aménager des espaces verts et promet la création d’« un espace vert à moins de trois minutes à pied du domicile de chacun ». La candidate LREM, Agnès Buzyn, est plus mesurée. Elle estime que « la ville n’est pas du tout préparée au changement climatique » car « elle est beaucoup trop minérale » et manque « de véritables espaces d’ombre. Il faut planter beaucoup d’arbres mais pas question de faire une course à l’échalote sur le nombre d’arbres à planter à Paris ». Rachida Dati (LR) veut, elle, surtout sécuriser et redorer les « deux poumons de Paris », le bois de Vincennes et le bois de Boulogne.
Réduire les transports polluants
A Paris, la question de la qualité de l’air et de la pollution aux particules fines est également au cœur de la campagne municipale. Sur ce sujet, Anne Hidalgo, David Belliard et Danielle Simonnet (LFI) affichent clairement leur volonté de réduire la place de la voiture dans les déplacements. Ils partagent les mêmes orientations : limiter les véhicules polluants, diminuer le nombre de places de parking, développer le vélo, les espaces piétons et les transports en commun.
Anne Hidalgo a ainsi annoncé la fin du diesel en 2024, veut créer une « ville 100 % vélo » et « rendre le centre de Paris aux piétons ». Passage du périphérique en boulevard urbain, mise en place d’un grand réseau cyclable, développement des places et des rues piétonnes… Toutes ses propositions vont dans le sens d’un soutien aux mobilités douces. David Belliard, qui prévoit « un plan pour libérer Paris de la voiture et du béton », veut supprimer la moitié des places de parking en surface, piétonniser les abords de 300 écoles, mettre en place la sortie du diesel et du véhicule thermique… Cédric Villani estime aussi qu’il faut continuer à diminuer la place de la voiture « mais en multipliant les alternatives. Demain, nous circulerons en minibus autonomes, partagés, à la demande et propres », explique-t-il. Le mathématicien dissident de LREM préconise également « un grand plan sur la Seine », avançant que les livraisons, qui représentent aujourd’hui environ 30 % des embouteillages à Paris, pourraient être réalisées par le fleuve.
« Tout voiture » contre « tout vélo » ?
Agnès Buzyn, tout comme Anne Hidalgo et David Belliard, propose d’aménager le périphérique pour laisser une voie réservée aux transports en commun, au covoiturage et aux véhicules propres. Mais elle se montre plus réservée sur le développement du vélo. Selon elle, la maire sortante favorise les actifs adeptes de ce mode de transport au détriment des autres alors que « faire du vélo, à 70 ans, ce n’est pas possible... Ni pour une mère avec deux enfants en bas âge ». Un argument qui peut s’entendre, mais qui risque fort de voler en éclats à l’heure où les aménagements urbains tactiques se développent afin d’assurer la réussite du déconfinement.
Rachida Dati dit, elle, vouloir « lutter contre le diesel mais pas contre la voiture ». « On ne peut pas dire « il ne faut plus aucune voiture », car il y a des artisans, des gens qui travaillent, des familles qui en ont besoin » explique-t-elle. La limitation de la place de la voiture et le développement des transports en commun et du vélo ne sont pas des priorités de la candidate LR. Certaines de ses propositions, comme le développement des parkings, favoriseraient même les véhicules individuels... Même si elle ne va pas jusqu’à envisager la réouverture des voies sur berge aux voitures, que seul Serge Federbusch (soutenu par le RN) a inscrit à son programme. La crise du Covid et la nécessité de transformer la mobilité à Paris semblent devoir se charger de la distribution des bons et mauvais points aux candidats.
Pour une agriculture et une alimentation durables
Les candidats font également des propositions pour proposer une offre d’alimentation plus locale et plus durable. Anne Hidalgo veut aider l’installation d’agriculteurs paysans et la diffusion de leurs produits via la création d’une plateforme d’achat. David Belliard est pour la création de supermarchés coopératifs municipaux. Cédric Villani aimerait, lui, établir des contrats avec des paysans locaux. Rachida Dati propose un fonds d’aide aux commerçants tandis que Danielle Simonnet évoque un projet de coopérative agricole.
Les candidats prennent également des engagements pour les cantines scolaires de la capitale. Rachida Dati souhaite ainsi réduire le tarif maximal des repas et bannir le plastique des cantines. Elle évoque aussi la mise en place de circuits courts et d’une filière bio. Agnès Buzyn propose de développer « une alimentation 100 % locale, équitable ou biologique dans les cantines ». Les autres principaux candidats s’accordent sur la volonté d’offrir dans chaque restaurant scolaire une alimentation 100 % bio et locale et une alternative végétarienne par jour.
La rénovation énergétique des bâtiments figure également en bonne place dans les programmes d’Anne Hidalgo, de David Belliard et de Cédric Villani. La maire sortante prévoit un investissement massif pour accélérer la rénovation énergétique des logements « dans le cadre d’un service public métropolitain de l’efficacité énergétique ». Pour Cédric Villani il faut « multiplier par dix le rythme des rénovations énergétiques dans les co-propriétés privées à Paris afin de passer à 40 000 logements rénovés par an. Afin de réduire l’impact carbone du secteur résidentiel et la facture de 77 000 familles parisiennes en situation de précarité énergétique ».
Innover dans les réseaux intelligents
David Belliard, le candidat écologiste soutient aussi trois mesures notables, qui le distinguent des autres candidats : la limitation de la publicité dans l’espace public, la mise en place d’une tarification incitative pour réduire et valoriser les déchets et l’arrêt de nouvelles autorisations pour la création de centres commerciaux. Agnès Buzyn estime, de son côté, que la capitale doit être à la pointe en matière d’innovation technologique. Elle reprend par exemple à son compte une mesure portée par Cédric Villani : améliorer la circulation grâce à l’intelligence artificielle.
Sur ce sujet de l’innovation technologique, le projet de Plan lumière de Paris, qui structure le cahier des charges de l’appel d’offres en cours du marché de l’éclairage public de la ville, devrait être ainsi l’occasion de porter une nouvelle ambition en matière d’éclairage intelligent. Visant à la fois à diminuer la consommation d’énergie, à mettre en valeur le patrimoine et à garantir la tranquillité des habitants, ce plan doit également intégrer les nouveaux services numériques qui peuvent se connecter au réseau d’éclairage.
Il est en effet possible aujourd’hui de relier aux luminaires des équipements et des applications qui améliorent la mobilité, la sécurité et la fluidité de la circulation : bornes de recharge de véhicules électriques, systèmes de stationnement intelligent, signalisation lumineuse tricolore, radars de feux et de vitesse, caméras de vidéoprotection, capteurs de bruit ou de pollution... Des solutions intelligentes qui contribuent à la fois à réduire la consommation énergétique, à stimuler l’attractivité de la ville, à optimiser la mobilité, mais aussi à améliorer la sécurité et la qualité de vie des habitants, autres sujets majeurs de la campagne électorale à Paris.