Le charbon chinois ne fait pas que polluer le ciel du pays. Son extraction est aussi à l’origine d’accidents tragiques. En 2004, pour cacher une explosion, …
Le procès du patron d’une mine de charbon… et d’un système
Le charbon chinois ne fait pas que polluer le ciel du pays. Son extraction est aussi à l’origine d’accidents tragiques. En 2004, pour cacher une explosion, le patron d’une mine du Shanxi a fermé la mine et enterré les mineurs survivants. Avec d’importants pots de vin, il a pu cacher la réalité pendant plusieurs années. Cette semaine seulement, il est présenté devant les tribunaux.
Li Kewei, un fils d’agriculteur banal, a d’abord tout testé. Paysan, ouvrier, cordonnier, mineur. Puis il s’est lancé dans les affaires dans les années 80. Affaires florissantes qui lui ont permis d’accumuler une fortune estimée à 1 milliard de yuans (environ 112 millions d’euros). Au début des années 2000, il a racheté une mine de charbon à Datong, dans la province du Shanxi. Il choisit alors de licencier tous les mineurs locaux et de faire venir des travailleurs de la province du Sichuan. On saura bientôt pourquoi.
En décembre 2004, un coup de grisou a incendié la mine. Selon le journaliste qui a enquêté sur l’accident, 80 personnes y travaillaient au même moment. Li Kewei, au lieu d’appeler les secours, a fait jouer les pelleteuses et comblé l’accès de la mine. S’il y avait des survivants, ils ont été étouffés. Il a aussi fait barrer l’unique route qui accède à sa mine.
Et jusqu’à l’année dernière, malgré la grandeur de l’affaire, il n’avait jamais été inquiété. Notamment grâce au fait que les mineurs venaient d’une lointaine province, sans doute des déshérités qui n’avaient pas les moyens d’avoir un téléphone portable pour donner des nouvelles à leurs familles. Grâce aussi aux menaces de mort faites à ceux qui savaient et qui voulaient parler. Mais surtout grâce à la complicité des responsables de l’administration locale.
Car l’accusation officielle faite par le bureau d’enquête du Shanxi mi-janvier ne concernait pas seulement Li Kewei, mais aussi le vice maire de Datong Wang Yanfeng et le responsable de la police locale Shen Gongyuan. Grâce à leur protection, chèrement acquise, Li Kewei a pu faire taire toutes les accusations précédentes. Selon les enquêteurs, il aurait notamment versé 29 millions de yuans (plus de 3 millions d’euros) et offert une voiture d’une valeur de 830 000 yuans (près de 93 000 euros) au chef de la police Shen Gongyuan. En plus des services de protection offerts par l’administration, il a profité de leur aide pour spolier d’autres propriétaires de mines. C’est cela, et seulement cela, qui a précipité sa chute.
Les concurrents exaspérés ont mis en place une ‘ligue anti-Li’. Ils ont dépensé de fortes sommes pour retrouver les familles des travailleurs du Sichuan et leur ont offert des avocats et de l’argent pour aller à Pékin raconter l’histoire. Dès 2009, le gouvernement central a fait un peu de lumière sur l’affaire et selon la presse, les plus hautes personnalités du gouvernement chinois auraient été informées. A partir de là, la commission de discipline du parti et le bureau d’enquête ont patiemment démêlé les fils d’une histoire impliquant beaucoup d’officiels, avant de les accuser au début de l’année. Plusieurs risquent la peine de mort.
Malheureusement, les accidents dans les mines chinoises sont nombreux. Sans doute à cause de la complicité des propriétaires avec les autorités chargées de les contrôler. Ainsi il a été récemment dévoilé que des officiels du service chargé du contrôle sécurité des mines du Shanxi étaient actionnaires de plusieurs mines. Pas le meilleur moyen de les faire consentir à investir dans les équipements de sécurité chers mais pouvant sauver de nombreuses vies.