C’est dans l’inquiétude générale que le Lesotho Highlands Development Authority (LHDA) lance la construction d’un nouveau barrage. Cet énorme édifice de 163,5 m de long engloutira 17 villages, noiera les pâturages de 72 autres et déplacera 4000 foyers.
Le plus grand barrage d’Afrique n’est pas le bienvenu
C’est dans l’inquiétude générale que le Lesotho Highlands Development Authority (LHDA) lance la construction d’un nouveau barrage. Cet énorme édifice de 163,5 m de long engloutira 17 villages, noiera les pâturages de 72 autres et déplacera 4000 foyers. Les habitants savent déjà que l’impact social et environnemental ira bien au-delà des 60 km de cours d’eau modifiés.
Un projet titanesque
Un projet signé dans les années 90 entre le Lesotho et l’Afrique du Sud prévoit de bâtir 5 barrages dans le premier pays, pour un coût total de 16 milliards de dollars [11,8 milliards d'euros] sur 30 ans. Les travaux du troisième barrage, Polihali, ont débuté et devraient se terminer en 2018. Son coût est de 1,9 milliard de dollars [1,4 milliard d'euros] car il nécessite la construction d’un réseau routier, d’un tunnel de 38km, et de structures de télécommunications.
Mais le jeu en vaut la chandelle : les deux premiers barrages (en 1998 et 2002) ont déjà fait gagner 404 millions de dollars [299 millions d'euros] au gouvernement du Lesotho. A terme, Polihali fournira plus de 70 mètres cubes d’eau par seconde à l’Afrique du Sud, le géant voisin, qui a des besoins croissants en eau et en énergie.
Des répercussions sur les habitants
Cependant, les 27 000 villageois affectés par les deux premiers barrages n’y ont pas vu beaucoup d’avantages. Mabusetsa Lenka, du Centre des ressources pour la transformation (TRC), une ONG pour les droits de l’homme et la justice sociale basée à Maseru, explique :
En dépit des promesses, la population n’a plus assez d’eau potable et d’électricité. Le gouvernement vend à l’Afrique du Sud des ressources dont son peuple a besoin.
Les habitants ont été relogés mais la majorité a perdu ses terres arables et ses pâturages. Ceux dans un rayon de 5 km du barrage devaient recevoir une maison, un robinet communal, des latrines, et une compensation d’environ 650 $ [481 euros] par foyer, par an, pendant 50 ans. Phakiso Hlotsi, relogé en 1996, préfèrerait un bon terrain plutôt qu’un peu d’argent :
La vie est plus dure maintenant. Avant, je m’occupais de ma famille en faisant pousser du maïs, du blé et des légumes sur un terrain trois fois plus grand. Je ne sais pas comment faire vivre 7 personnes avec 650 dollars par an.
Le PDG de LHDA, Peter Makuta, est d’avis que la compensation a été plus que juste et que les villageois doivent s’adapter :
Les paiements sont généreux. Mais on a remplacé leurs troupeaux et leurs terres par de l’argent et ils n’ont jamais vécu ainsi auparavant. C’est un énorme changement pour eux.
La LHDA ne veut cependant pas révéler le total de ses paiements. Les seuls chiffres disponibles sont ceux de 2006. A cette date, moins de 1,6 million de dollars [1,2 million d'euros] avait été payé à 2237 foyers.
Des promesses vides et de la corruption
Il semblerait que les comités municipaux chargés de reverser les dédommagements aux habitants auraient gardé une partie de l’argent pour eux. Certains villageois n'ont obtenu qu'une part de leur argent voire rien du tout. TRC a porté plainte pour eux et le procès est en cours. L’ONG espère faire jurisprudence si elle l'emporte.
Le peuple du Lesotho craint que les leçons de la phase 1 n'aient pas été apprises. Le PDG de LDHA assure que les choses se passeront différemment pour la phase 2, sans s’expliquer. Ce qui est sûr, c’est que les effets d’un assèchement drastique des montagnes du Lesotho ne sont pas encore complètement clairs.