Référence mondiale en matière de solaire et d’éolien, l’Espagne craint de voir disparaître un capital technologique inestimable avec la fin du subventionnement des énergies vertes. Le déficit tarifaire se creuse, alors que le nucléaire et l’hydroélectrique affichent des bénéfices records.
Le modèle renouvelable espagnol, ébranlé par la crise
Référence mondiale en matière de solaire et d’éolien, l’Espagne craint de voir disparaître un capital technologique inestimable avec la fin du subventionnement des énergies vertes. Le déficit tarifaire se creuse, alors que le nucléaire et l’hydroélectrique affichent des bénéfices records.
Un secteur plombé par la crise
« Nous nous retrouvons pieds et poings liés ».
Tel est le constat dressé par Jorge Morales, directeur de l’entreprise GeoAtlánter, qui a investi dix millions d’euros dans des installations photovoltaïques produisant 1,3 MW.
À 36 ans, il fait partie de la jeune génération d’entrepreneurs ayant contribué au boom des énergies renouvelables espagnoles, mais qui déchantent aujourd’hui.
En cause, la réduction sans précédent des aides destinées au secteur, qui mènera dès cette année au gel des nouveaux projets, qu’il s’agisse d’éolien, de photovoltaïque ou de thermosolaire (les tours concentrant les rayons solaires sur un fluide caloporteur).
Après s’être imposée comme référence mondiale dans le domaine des énergies propres, l’Espagne met en péril le futur de son industrie de pointe, malgré les spectaculaires avancées obtenues au cours de la dernière décennie.
Financées grâce à un système innovant de contribution directe des usagers à travers leur facture d’électricité, les primes aux énergies vertes disparaissent peu à peu, plongeant toute une filière dans l’abîme.
La Recherche & Développement au placard
Le secteur éolien, dominé par les entreprises Gamesa, Iberdrola et Acciona, assiste impuissant au démantèlement des projets prévus en Espagne et concentre désormais ses activités à l’étranger, vers la Chine, l’Inde ou l’Amérique du Sud.
La tendance inquiète Jaume Morron, le responsable de l’Association éolienne de Catalogne:
« Face à l’absence de marché intérieur, les entreprises s’en vont. En plus des conséquences pour la R-D, nous perdons une source d’emploi dans l’économie verte ».
L'industrie photovoltaïque est la plus durement touchée, avec des primes ayant chuté de 30% en moyenne. Plus de la moitié des 1 500 MW de projets attribués en 2009 sont passés à la trappe, faute de financement de la part des banques. Entre 2010 et 2011, l’Allemagne a installé 24 fois plus de panneaux photovoltaïques que l’Espagne (15 000 MW contre 600 MW), malgré un ensoleillement largement moins important.
Au cours des quatre dernières années, le coût des panneaux solaires a pourtant baissé de 70 %, et celui des éoliennes de 10%.
Une surcapacité de production sans précédent
Le gouvernement estime que la réduction des aides est le seul moyen de contrer le gigantesque déficit « tarifaire » auquel fait face le pays. La faible demande d’électricité imputable à la crise a en effet conduit à une surcapacité de production de l’ordre de 50%. Selon le type d’énergie employée, le prix facturé au consommateur est aujourd’hui inférieur au coût de production de l’électricité.
La Fondation Renovable dénonce cependant un système profondément injuste, puisque le prix payé aux entreprises pour chaque kilowatt est indexé sur le coût de production des technologies les plus chères (gaz ou charbon). Cette tarification permet aux secteurs nucléaire et hydroélectrique, dont les investissements sont depuis longtemps rentabilisés, de faire des bénéfices extraordinaires, tandis que les énergies vertes se retrouvent asphyxiées.
Dans un récent rapport, la Commission Européenne n’hésite pas à se ranger du côté des producteurs d’énergies renouvelables et regrette le gel des nouveaux projets.
L’UE rappelle l’importance de ce secteur, sans lequel l’Espagne ne pourra pas atteindre ses objectifs en matière d’énergie et de lutte contre le réchauffement climatique pour 2020.