L’Art du recyclage, «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme»

Carton, plastique, métal, fibre de verre… A une époque où l’environnement est une priorité, les poubelles, les plages polluées ou les greniers fourre-tout regorgent de véritables trésors pour ces créateurs qui aiment recycler les déchets des autres en œuvres d’art.

Par GVadmin Modifié le 7 août 2012 à 14 h 49


L’Art de faire peau neuve grâce à l’ancien

Autant le dire tout de suite, l’art de métamorphoser un objet du quotidien en une création unique n’est pas nouveau en soi. Avant-gardiste, un brin provocateur, Marcel Duchamp marque de son empreinte le monde de l’art avec ses Ready-Mades. Notamment en 1917 avec son fameux Urinoir dénommé officiellement « Fountain ». Picasso utilise de vieux journaux pour ses collages et des fragments d’objets pour ses sculptures. Et l’avènement du Nouveau Réalisme dans les années 60 installe durablement le « recyclage poétique du réel » dans la communauté artistique. Coup de massue sur les pianos, compression dirigées d’automobile, tableaux-pièges confectionnés à partir de restes de repas, pour Arman, César, Daniel Spoerri et tant d’autres, la transformation des objets c’est l’art de proposer  de  « nouvelles approches perceptives du réel.»

Fountain Duchamps

La société de consommation pointée du doigt

Depuis une vingtaine d’années, le recyclage artistique semble davantage s’interroger sur les enjeux environnementaux contemporains. Durant les années 90 en effet, la médiatisation du changement climatique, la déforestation ou l’urbanisation galopante changent la donne. En réponse aux rencontres internationales sur l’environnement et le développement durable – Sommet de Rio, de Johannesburg ou de Kyoto – les artistes posent un regard nouveau sur les objets usagés. Plus qu’une réinterprétation du monde, passer du jetable au réutilisable devient une forme de résistance contre une société où la consommation boulimique des pays industrialisés nuit à la planète.

Singh Intrachooto, architecte et professeur d'innovation de technologies du bâtiment à l'université de Kasetsart à Bangkok, explique dans une interview accordée à CNN qu’il a commencé à utiliser les déchets en 2005 lorsqu’il prend conscience que la création de ses œuvres à un impact sur la planète.

Il était embarrassant de donner des cours du design éco-responsable en étant témoin de la quantité de déchets restant de mon propre travail.

Entre les mains de l’artiste thaïlandais, les chutes de cuir se métamorphosent en sacs brodés, et les arbres déracinés en tabourets, en chaises et en tables. Au Liban, l’imagination des designers Waleed Jad et Stéphanie Dadour, conjuguée à leur volonté de dénoncer la consommation massive de sacs en plastique, donnent naissance à une gamme de cabas durables. Pour Ana Mitrano, une architecte argentine dont l’objectif est également de créer des meubles en débarrassant l'environnement de ses déchets, la source d’inspiration c’est le carton. Les résultats sont surprenants ! Fauteuil à bascule, repose-pieds ou éléments de décoration, Ana Mitrano démontre qu’avec trois fois rien, il est possible de confectionner du mobilier élégant et raffiné.

©Singh Intrachooto

Les objets de récup s’invitent au musée

Aujourd’hui, le « Recycled Art» est un mouvement artistique à part entière. Bénéficie-t-il cependant de la reconnaissance du public et des experts ? Sans aucun doute. Côté public, le portrait de Jimi Hendrix confectionné par l’artiste anglais Ed Chapman avec 5.000 médiators, s’est vendu aux enchères cette année à 23.000 livres sterling.  Les fonds récoltés sont destinés à la recherche pour la lutte contre le cancer. Côté experts, l’artiste australien John Dahlsen s’est vu décerner en 2000 le prix Wynne par The Art Gallery of New South Wales. C’est le fameux "Totem de Tongs" qui a valu au sculpteur environnementaliste, se rendant « à la plage tous les jours pour trouver plus de pièces pour (sa) palette d'artiste», la récompense la plus prestigieuse d’Australie.

© Ed Chapman

Les deux artistes ne sont d’ailleurs pas les seuls à avoir pignon sur rue dans les haut-lieux de l’art contemporain. Depuis une dizaine d’années, la liste des institutions de renommées, prises d’assaut par les objets de récup' en tous genres, s’allonge à vue d’œil. Au Musée Bellerive de Zurich en 2003, la boîte de Sprite écrabouillée se transforme en boîtier de montre et les bouteilles vides se changent en portemanteau. En 2008, le Musée d’Art Moderne de Paris accueille le temps d’une exposition, le collectif autrichien Gelitin et ses assemblages d’objets recyclés. La même année, le Museum of Arts and Design (MAD) inaugure l’exposition Second Lives: Remixing the Ordinary. Et les meubles recyclés des frères brésiliens Fernando et Humberto Campana, sont durablement installés au MoMA à New York, au Centre Georges Pompidou à Paris, et au Vitra Design Museum à Weil am Rhein en Allemagne.

Qu’on se le dise, les poubelles de Naples valent de l’or !

© Fernando et Humberto Campana

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