« Nous ne pouvons pas accepter qu’un africain sur trois souffre de la faim. La bataille mondiale contre l’insécurité alimentaire doit être gagnée en Afrique », a déclaré le ministre marocain de l’Agriculture Aziz Akhnouch lors de son discours d’ouverture du 4ème Forum Afrique Développement. L’agriculture serait-elle le prochain moteur de la croissance en Afrique ?
La voix plaçant l’agriculture au cœur du développement économique du continent se fait de plus en plus entendre. Le vice-président de la Banque Mondiale pour l’Afrique, Makhtar Diop, a récemment annoncé que les deux priorités de son institution étaient l’énergie et l’agriculture. Même son de cloche à la Banque africaine de développement où son président Akinwumi Adesina a placé l’agriculture dans les cinq grandes priorités de son mandat.
Sauf que pour réussir ces défis, il est impératif de « changer de braquer ». Akinwumi Adesina ne le sait que trop bien en tant qu’ancien ministre de l’Agriculture au Nigéria. Désormais il faut traiter la question agricole à une échelle globale et non plus sur de petits périmètres, où les changements ne sont que peu visibles et paraissent inefficaces. Pour cela, les besoins de financement sont colossaux et un soutien du secteur privé, par le biais de fonds de pension et souverains, est aujourd’hui indispensable.
Cette stratégie de développement massif devrait encourager l’arrivée de mastodontes agro-industrielles, seuls capables d’investir plusieurs millions de dollars sur des projets agricoles. Bien évidemment, les petites structures ne sont pas oubliées, l’objectif étant que ces dernières profitent des retombées provoquées par les plus grands entrepreneurs pour agir au niveau local. Attention toutefois à ne pas répéter les erreurs du passé. L’Université d’East Anglia vient de publier une étude affirmant que les politiques agricoles menées dans les années 1960-1970 pour réduire la pauvreté en Afrique subsaharienne avaient, au contraire, accrues la précarité de la très grande majorité des agriculteurs.
Le projet gabonais GRAINE bientôt reproduit sur tout le continent ?
Principal défi à relever, celui des terres agricoles disponibles La Banque africaine de développement souhaite mettre en place des agropoles. Problème : il faudra leur trouver de la place alors que le foncier reste le grand problème de l’Afrique. Heureusement des initiatives viennent redonner de l’espoir pour la filière agricole.
Symbole de cette nouvelle agriculture en Afrique, le projet Gabonaise des Réalisations Agricoles et Initiatives des Nationaux Engagés (Graine) est appelé à être reproduit dans d’autres États. Ardemment souhaité par le président Ali Bongo, qui a annoncé une avance de 100 000 francs cfa par mois à tout membre rejoignant ce programme, Graine accompagne à la création de coopératives agricoles. Et les premiers effets se font déjà sentir. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’est d’ailleurs engagé à accompagner le Gabon pour la formation des agriculteurs. Pour le directeur du cabinet présidentiel gabonais, Maixent Accrombessi, il s’agit aujourd’hui d’en finir avec l’idée que la croissance d’un pays doit passer par « la destruction du capital naturel ». L’objectif est maintenant de faire tâche d’huile.
Parce que si l’agriculture doit passer la vitesse supérieure, c’est que le temps presse. Comme l’a rappelé Aziz Akhnouch, la sécurité alimentaire n’est toujours pas assurée sur le continent africain. A cela se cumule une nécessité de s’adapter aux changements climatiques. Si l’Afrique est le continent qui pollue le moins, c’est malheureusement celui qui souffre le plus des dérèglements climatiques : sécheresses, épidémies, inondations. Le monde agricole doit donc aussi apprendre à s’adapter, notamment au travers de nouvelles méthodes de production.