Des centaines de milliers de pauvres vivent dans les métropoles indiennes du ramassage et du tri des ordures. Le développement des usines d’incinération des déchets risque de leur retirer leur unique moyen de subsistance.
La valorisation énergétique des déchets contre les chiffonniers
Des centaines de milliers de pauvres vivent dans les métropoles indiennes du ramassage et du tri des ordures. Le développement des usines d’incinération des déchets risque de leur retirer leur unique moyen de subsistance.
Comment justifier la perte de 350 000 emplois pour produire 40MW d’énergie?
Dharmendra Yadav, représentant des ‘chiffonniers’ indiens, pose la question de manière très crue. Dans le collimateur, les projets de Ghazipur, d’Okhla et de Narela-Bawana, trois usines de valorisation énergétique des déchets qui sont en cours de construction dans la région de Delhi. Elles vont nécessiter chaque jour 7300 tonnes d’ordures pour fonctionner, n’en laissant plus que 1200 aux centaines de milliers de pauvres de la ville. Traditionnellement, ce sont eux qui récupèrent les déchets, les trient, et revendent ce qui a un peu de valeur aux recycleurs de toutes sortes.
Le ramassage des ordures confiés à des entreprises privées
Pour alimenter ces usines, la collecte doit être rationalisée et les autorités ont commencé à confier le ramassage à des sociétés spécialisées, souvent d’ailleurs dans des marchés publics biaisés par les pots de vin… Dans ces circonstances, que vont devenir les ‘chiffonniers’ ? Yadav s'insurge:
Les sociétés concernées ont reçu des subventions pour se charger de ce que font les armées de laissés-pour-compte. Des gens qui vivent du ramassage des ordures. Le gouvernement doit penser à eux et réfléchir à la manière de les intégrer.
Généralement, la valorisation des déchets est considérée comme intéressante. Elle permet de réduire les besoins d’enfouissement des ordures (qui peuvent être à l’origine d’importantes pollutions des terres) tout en produisant de l’énergie.
Une valorisation des déchets peu évidente
Les adversaires de ces équipements doutent de leur intérêt. L'usine existante de Timarpur ne serait, selon eux, opérationnelle que 9 jours par an. La faute aux particularités des déchets indiens.
L’attractivité même de la valorisation énergétique en Inde n’est pas évidente. Le pouvoir calorifique moyen des déchets est trop faible ici pour rendre intéressant de tels systèmes.
Les considérations techniques mises à part, le gouvernement a le devoir de réfléchir au sort des ‘chiffonniers’.
Le tri des déchets comme moyen de subsistance
Vivant dans des conditions souvent extrêmement difficiles, leur existence ne connaît pas de répit. Phul Bas, 22 ans, doit par exemple entretenir une famille de 6 en ramassant des ordures. Ça allait jusqu’à 2010.
J’arrivais à gagner 200 à 250 roupies (environ 3 à 3,5 euros) par jour en récupérant les déchets directement dans les résidences. Maintenant, la collecte est faite par des sociétés spécialisées à qui je dois acheter les déchets. Résultat, je ne gagne plus que 50 à 100 roupies.
Tout cela en travaillant 18 heures par jour dans un environnement dangereux et en étant la cible régulière de moqueries… Espérons que Delhi et les autres villes indiennes sauront faire face et n’oublieront pas les plus pauvres dans leur course au développement.