Choquée par les abus des institutions bancaires, en particulier depuis 2008, l’opinion publique soutient l’idée d’une taxation des transactions financières (TTF). Le monde politique dans son quasi-ensemble également. Une conférence organisée mercredi dernier à Paris avait pour but de démontrer sa faisabilité et son utilité…
La taxation des transactions financières, ici et maintenant !
"Taxer les transactions financières pour un monde plus juste : ici et maintenant". L’intitulé de la conférence organisée le 14 septembre 2011 à l’UNESCO à Paris était on ne peut plus clair. Des hommes politiques de tous bords étaient rassemblés et tous semblaient unanimes : la mise en place de la Taxe sur les Transactions Financières (TTF) est désormais une évidence.
Des ressources incomparables
Les marchés financiers sont ébranlés, la dette des états atteint des sommets abyssaux, des solutions doivent donc être trouvées rapidement pour mettre fin à cet engrenage. Les transactions financières sont les seuls produits au monde qui ne sont pas soumis à la taxe, il est donc temps d’agir.
En 2010, l’ensemble des transactions financières autour du globe équivalait à plus de 50 fois le PIB mondial. Particulièrement remonté, le président de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), Jean-Pierre Jouyet, scande que "la richesse d’aujourd’hui est financière, il faut la taxer !" Une micro-taxe sur les transactions financières (de 0,01% à 0,2% selon les produits) en Europe rapporterait au moins 200 milliards d’euros par an ; 265 milliards si appliquée à l’ensemble des pays du G20.
La secrétaire d’Etat norvégienne chargée du Développement international, Ingrid Fiskaa, abonde dans le même sens en rappelant que "le secteur financier doit participer à la stabilité et à la durabilité mondiales, car il a profité du soutien des gouvernements lors de la crise financière." Arielle de Rothschild, avec sa double casquette de Présidente de l’ONG Care France, et d’associée de la Banque Rothschild & Co, enfonce le clou :
Si nous avons débloqué 18 trillards d’euros pour sauver les banques entre 2008 et 2009, nous devrions trouver des moyens pour éradiquer la pauvreté.
Tous les intervenants se sont en effet montrés unanimes. Cette taxe n’a rien de révolutionnaire et sa mise en place est désormais incontournable. Reste à se mettre autour de la table pour en définir les caractéristiques. Le taux d’imposition doit être faible et l’assiette fiscale très large afin d’empêcher de possibles contournements ou évasions.
La France et l'Allemagne dans les startings blocks
Ici ? Le choix de Paris pour accueillir des défenseurs européens de la TTF n’est certainement pas anodin. Ainsi que celui du siège de l’institution onusienne, qui, comme le rappelle sa directrice générale Irina Bokova, "coopère depuis quelques années dans ce sens". La TTF est désormais devenue un sujet de prédilection sur l’agenda international. Nicolas Sarkozy a joué un rôle déterminant en la plaçant au centre de la présidence française du G8 et du G20 en 2011.
Le couple franco-allemand devrait d’ailleurs donner l’impulsion et faire une proposition concrète de lancement dans la zone Euro lors du G20 qui aura lieu à Cannes en novembre prochain. Si les États-Unis et le Canada, traditionnellement frileux, pourraient exprimer leur refus, une quinzaine de pays dont la Norvège, le Japon, le Bénin, le Sénégal ou encore le Brésil sont prêts à suivre le mouvement. Carsten Sieling, député allemand du SPD (parti social-démocrate), confirme :
Nous avons besoin d’un mouvement de fond vers la TTF. Angela Merkel et les ministres des Finances de l’UE sont d’accord. La TTF doit être mise en place au moins en Europe dans un premier temps.
Maintenant ? Les plus pessimistes évoquent l’horizon 2013, voire 2018. Début 2012 semble néanmoins tenir la corde. La banquière Arielle de Rothschild se veut encore plus optimiste : "La TTF peut être mise en place dès 2011".
200 milliards d’euros… mais pour qui ?
Les ONG présentes s’inquiètent de l’utilisation des fonds une fois la taxe créée. Elle doit bien sûr participer à la stabilité financière des États mais les pays du Sud particulièrement affaiblis par la crise ne doivent pas être oubliés ! Philippe Douste-Blazy, secrétaire-général adjoint de l’ONU et président d’UNITAID, nous interpelle :
Si nous payons la crise en nombre de chômeurs, les pays du Sud, eux, la payent en nombre de vies humaines.
Il insiste : "Maintenant qu’on est dans le rouge, brutalement les ministres de l’Économie trouvent que c’est possible… pour régler leurs dettes. Je leur dis : "Prenez une partie pour l’endettement, mais au moins la moitié pour les pays les plus pauvres." Cet argent doit aller à tous les objectifs du millénaire [OMD], y compris le changement climatique."
Après Cannes, Durban
Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre française de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, également présente à la conférence, abonde dans le même sens : "A besoins globaux, financements globaux. Les pays du Nord ne doivent pas fuir leurs responsabilités."
Elle rappelle que l’un des seuls accords du sommet de Copenhague en 2009 chiffrait à 120 milliards d’euros par an les fonds nécessaires pour lutter contre le changement climatique. A Cancun en 2010, un "Fonds vert" a été créé, mais il reste désespérément vide. NKM prévient donc :
On aura un gros problème de crédibilité si aucune perspective concrète n'est trouvée pour lever des fonds lors du sommet de Durban en décembre.
D’autre part, en ce qui concerne les OMD, 160 à 180 milliards d’euros sont nécessaires chaque année. Ils sont déjà assurés par les divers fonds d’aide au développement existant aujourd’hui. La secrétaire d’État norvégienne chargée du Développement international, Ingrid Fiskaa, précise d’ailleurs que "la TTF, en plus d'être prévisible et stable, ne doit pas remplacer les aides au développement actuelles."
Les opinions publiques européennes sont fortement favorables à cette TTF. Il ne reste plus qu’à convaincre les États de franchir le pas… A eux de saisir la perche tendue lors du G20 à Cannes en novembre prochain.