La pratique ancestrale de la polygamie peut-elle survivre face aux évolutions socio-économiques modernes? Après tout, et on l’oublie trop souvent, il n’y a pas que dans les pays musulmans qu’elle est légale…
La polygamie en perte de vitesse dans le monde musulman?
La pratique ancestrale de la polygamie peut-elle survivre face aux évolutions socio-économiques modernes? Après tout, et on l’oublie trop souvent, il n’y a pas que dans les pays musulmans qu'elle est légale…
Un phénomène international
Quel est le point commun entre un Mormon de l’Utah, un Gabonais, un Hmong du Laos, un Zulu, un Hindou et un cheikh égyptien? Tous peuvent prendre plusieurs épouses. D’ailleurs, rien dans la Torah ou dans les Évangiles ne l’interdit.
Certains anthropologues considèrent même la polygamie comme inhérente à la nature humaine. Elle est autorisée dans une cinquantaine d’États et demeure très ancrée chez les musulmans. A ce sujet, le Coran est explicite :
Épousez comme il vous plaira deux, trois ou quatre femmes, mais si vous craignez de ne pas être équitable, prenez une seule femme. [IV, 3]
Depuis des générations, les musulmans ont interprété cette phrase comme une prescription divine. Remettre en question cette pratique relève encore du sacrilège. Peu de pays musulmans ont d’ailleurs franchi le pas.
Les 22 pays de la Ligue Arabe ne sont pas unanimes
La Turquie a aboli la polygamie en 1926 et l’Irak l’a proscrite en 1958 (Saddam Hussein l’a cependant rétablie en 1994). La Tunisie l’a bannie dès 1956.
Depuis, les féministes, les militants des Droits de l’homme et l’évolution des sociétés ont amené certains législateurs arabes à en restreindre la pratique. Le code de la famille promulgué par le Maroc en 2004 autorise la polygamie "pour des raisons de force majeure", selon des critères draconiens qui la rendent presque impossible, comme en Jordanie.
L’Algérie impose depuis 2005 le consentement de la première épouse. Le mari doit avoir les moyens et prouver sa capacité à "assurer l’équité". Enfin, si avoir plusieurs épouses était jadis un signe extérieur de richesse, une majorité de dirigeants arabes affichent fièrement leur monogamie.
Des changements fragiles
Mais le débat reste passionné. En Tunisie, le leader du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, avait déclaré que l’interdiction de la polygamie n’était pas remise en question. Mais il serait lui-même bigame ! En juin, son porte-parole déclarait dans le magazine économique Investir en Tunisie : "La polygamie est l’un des principes fondamentaux du futur programme de Ennahdha."
Paradoxalement, les partisans de la polygamie sont parfois des femmes. En Égypte, la journaliste Hayam Darbak a fondé une association avec ce slogan : "Une seule épouse ne suffit pas". En Tunisie, Dalanda Sahbi avait choqué l’opinion en défendant la polygamie lors de la Journée nationale de la femme, en août 2009. En Turquie, c’est une militante islamiste du parti au pouvoir AKP qui s’y déclare favorable.
Pour certains opposants, la monogamie n’est qu’une forme de néocolonialisme moral et culturel. Fermement ancrée dans le socle social, religieux et culturel arabo-musulman, la polygamie a encore de beaux jours devant elle.
L’avis du prophète Mahomet
Mais il y a 1300 ans, quand son gendre Ali est venu lui demander la permission de prendre une seconde épouse, le prophète Mahomet avait répondu :
Je ne l’autorise pas, non je ne l’autoriserai pas, sauf si tu veux divorcer de ma fille Fatima et te marier avec leur fille, car Fatima est une partie de moi, et ce qui la trouble me trouble, et ce qui lui fait mal me fait mal.