La politique espagnole en panne d’inspiration écologique

Ángel Frade est un jeune militant écologiste, membre de Greenpeace-Espagne et du mouvement des Indignés. Il a créé et gère actuellement le site de Tribune libre Megalaction.com.

Par GVadmin Modifié le 19 juillet 2012 à 17 h 16

Ángel Frade est un jeune militant écologiste, membre de Greenpeace-Espagne et du mouvement des Indignés. Il a créé et gère actuellement le site de Tribune libre Megalaction.com.

Youth Diplomacy : Le 20 novembre 2011, le Parti Populaire (PP) espagnol a gagné les élections générales, en dépit d’un programme environnemental vide et d’arguments clairement en faveur du nucléaire. Que pensez-vous du manque de propositions en matière écologique?

Ángel Frade : Je pense que la campagne menée par Rajoy n’a eu qu’un seul objectif: attirer un maximum d’électeurs. Le chômage n’a été qu’une excuse! La politique environnementale que veut entreprendre le PP est désastreuse. Par exemple, le Ministre de l’Environnement possède des actions dans plusieurs entreprises pétrolières.

Il devrait renoncer à sa fonction ou vendre ces actions! Il est évident qu’en les conservant, il fera primer son propre intérêt avant celui de l’environnement. Si le PP était un parti politique cohérent, il devrait avoir, d’une part, un programme environnemental censé, et d’autre part, un ministre de l’environnement compétent.

Y.D. : L’Espagne traverse une crise économique sans précédent. La barre des 5 millions de chômeurs a été frôlée au troisième trimestre 2011. Dans la situation actuelle, pensez-vous réellement que l’environnement puisse être une priorité du gouvernement?

Á. F. : En ces temps difficiles, les gens se préoccupent plus de la crise et de ses conséquences, notamment sur l’emploi, que des questions écologiques. Beaucoup en oublient l’environnement, voire préfèrent le détruire si cela peut leur donner du travail. Pourtant, je suis convaincu qu’ils ont tort.

Les emplois “verts” sont ceux qui ont le plus d’avenir. La recherche dans les énergies renouvelables, le développement de champs écologiques, etc. sont les secteurs de demain. Il n’y a qu’à regarder le programme électoral du parti écologiste EQUO pour être convaincu que l'environnement devrait faire partie des priorités du gouvernement!

Y.D. : Le Parti populaire n’a jamais admis la théorie du changement climatique, remettant en cause les conclusions scientifiques alarmistes. Avec Rajoy au pouvoir, l’Espagne a à sa tête un des leaders de la pensée climato-sceptique. Comment voyez-vous le futur écologique du pays? Pensez-vous que Rajoy pourra suivre son programme sans jamais se pencher sur la question environnementale?

Á. F. : Rajoy suivra son programme initial sans se préoccuper de l’environnement, ou du moins, sans poser la question du changement climatique. C'est un fait qu'il nie totalement. C’est pourtant avéré et scientifiquement prouvé. Rajoy n’en a que faire, et je suis sûr qu’il n’en tiendra pas compte durant son mandat.

Y.D. : L’ancien directeur de Greenpeace-Espagne, Juantxo López de Uralde, a fondé le parti écologiste EQUO avant les élections générales du 2011. Pendant l’un de ses meetings électoraux, il n’a pas caché le manque de moyens financiers et logistiques du nouveau parti. Il ne croyait pas en la victoire d’EQUO, mais il affirme que ce parti est un nécessaire contrepouvoir. Qu’en pensez-vous?

Á. F. : En Espagne, tous les partis politiques font d’immenses emprunts pour financer leurs campagnes électorales. Ce n’est pas le cas d’EQUO. Aucune banque n’a accepté de faire un prêt. Et jamais le parti EQUO n’a été invité à la télévision ou à la radio, alors que les autres partis étaient ultra-médiatisés. Ce n'est pas étonnant qu'il ait eu du mal à se faire connaître des électeurs.

Et le système de répartition des sièges en fonction des votes n’est pas égalitaire. Là encore, il existe de nombreux passe-droits dont les petits partis souffrent. Si la répartition était équitable, EQUO aurait 5 sièges. Évidemment, ce sont les partis tels que le PP ou le PSOE qui bénéficie du système électoral. Maintenant n’importe quel lecteur peut se faire une juste opinion...

Y.D. : Malgré son échec aux élections, le parti EQUO existe encore. Comment envisagez-vous son influence et son rôle dans les années à venir sous la présidence du Parti Populaire?

Á. F. : EQUO ne sera qu’un parti politique de plus, qui ne saura pas véritablement faire entendre sa voix. Malgré sa nécessaire présence en tant que contrepouvoir, le PP n'en tiendra pas compte… Il continuera sur sa lancée, soutenant les énergies non renouvelables et le stockage des déchets nucléaires. Il continuera d’utiliser le chômage comme excuse et écran à toutes ses politiques.

Je persiste à dire que les emplois “verts” sont la solution…

Y.D. : Dans ce contexte écologique alarmiste, comment envisagez-vous l’avenir et l’action des partis, associations ou organisations écologistes, telles que Greenpeace?

Á. F. : Greenpeace va, malheureusement, avoir beaucoup de pain sur la planche dans les prochaines années. Je dis “malheureusement”, car l’idéal serait que Greenpeace n’ait pas à agir… Ces derniers temps, un mouvement de protestation envahit l’Espagne et va en s'amplifiant. J’ai foi en ces changements qui s’opèrent. Je crois que les partis comme EQUO, pour le moment le seul parti vraiment écologique en Espagne, continueront d’œuvrer à la défense de l’environnement et qu’ils gagneront progressivement en popularité.

propos recueillis par Edouard Deschamps


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