Après plus de cinq siècles d’exploitation ininterrompue, la montagne qui surplombe la ville de Potosí s’affaisse peu à peu, vidée de ses entrailles. Classé au patrimoine mondial de l’humanité…
La plus célèbre mine d’argent du monde s’effondre…
Après plus de cinq siècles d’exploitation ininterrompue, la montagne qui surplombe la ville de Potosí s’affaisse peu à peu, vidée de ses entrailles. Classé au patrimoine mondial de l’humanité, ce sommet des Andes boliviennes reste pourtant exploité par 15 000 mineurs, qui viennent y risquer leur vie quotidiennement.
Laissez l’argent de cette montagne où il est, d’autre hommes viendront le chercher.
Tel aurait été l’avertissement adressé depuis les entrailles de la terre à l’empereur Inca Huyna Capac, en 1462, après que celui-ci a ordonné à ces sujets d’exploiter le précieux métal du Cerro Rico (littéralement la montagne riche). La prophétie s’est accomplie avec l’arrivée des conquistadors, qui firent de Potosí le plus grand complexe industriel mondial du 16ème siècle, envoyant vers l’Europe près de 60 000 milles tonnes d’argent pur. Une quantité suffisante pour construire un pont qui unirait cette ville à Madrid, comme le rappelle le célèbre écrivain Eduardo Galeano, dans son livre intitulé Les veines ouvertes de l’Amérique Latine.
Au fil des siècles, environ 5 000 puits de mine ont vu le jour, tandis qu’une multitude de tunnels ont transformé le Cerro Rico en un véritable gruyère. Presque épuisé aujourd’hui, le plus grand gisement argentifère au monde est toujours en exploitation, malgré l’extrême fragilisation de sa structure, qui se traduit par des éboulements et des affaissements à répétition depuis plus de dix ans.
Le dernier en date a conduit à l’apparition d’un cratère de 17 mètres de diamètre et 22 mètres de profondeur, provoquant la chute d’une dizaine d’antennes de radio, de télévision et de téléphonie mobile.
Au-delà des dégâts matériels, c’est une partie du patrimoine culturel bolivien qui disparait, la montagne perdant peu à peu la forme conique de son sommet qui caractérisait sa silhouette. Depuis 1825, le Cerro Rico constitue l’un des emblèmes nationaux et figure même au centre du drapeau bolivien.
Pour tenter de préserver ce sommet qui domine la ville de Potosí du haut de ses 4 824 mètres, le Ministère de l’industrie minière a interdit depuis plusieurs années toute exploitation à une altitude supérieure à 4400 mètres. Mais cette restriction n’a pas suffi à stopper le siphonage des eaux de pluie, qui provoque l’ouverture de cratères en son sommet. Ce phénomène s’est aggravé avec le réchauffement climatique, qui a fait disparaître la couche de glace le protégeant depuis toujours.
Seule une interdiction totale des activités minières pourrait peut-être sauver le Cerro Rico, classé depuis 1987 au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, une éventualité que refusent d’envisager les habitants de Potosí, qui reste l’une des villes les plus pauvres au monde, après avoir produit d’immenses richesses durant plusieurs siècles.
Aujourd’hui encore, au péril de leur vie, 15 000 mineurs indépendants associés en coopératives continuent d’extraire de l’argent, du plomb et du zinc de ce fabuleux gisement, 500 ans après sa découverte.