Dans cette course effrénée à l’or vert, certains pays du Sud se démarquent plus que d’autres. C’est notamment le cas du Brésil, premier exportateur d'éthanol au monde, et deuxième producteur après les États-Unis. Le professeur Cortez de l’Université d’agronomie de l’Unicamp au Brésil a d’ailleurs affirmé, lors de la convention latino-américaine du GSP (Global Sustainable Project), que son pays pourra remplacer 5% de l’essence consommée dans le monde d’ici 2025. L’industrie du biodiesel en revanche en est encore à ses balbutiements. Les politiques en faveur du biodiesel sont beaucoup plus récentes. La loi de 2005, rendant obligatoire l’emploi du biodiesel mélangé aux carburants, a pour objectif que le biodiesel représente 5% de la proportion des biocarburants d’ici 2013.
Pour André Faaij, professeur en analyse des systèmes énergétiques de l’Université d’Utrecht en Hollande, outre le Brésil, l’ensemble de la région du Mercosur continuera à s’imposer en matière d’exportation. En 2009, l’Union Européenne a montré une forte augmentation des importations d'éthanol en provenance du Nicaragua et du Costa Rica. Par ailleurs, le boum des exportations du biodiesel argentin vers l'UE endommage fortement la capacité des producteurs de biodiesel de l'UE à opérer dans des conditions équitables.
L'Asie, en plein essor économique, se convertit à son tour aux agrocarburants. En 2009, la production de bioéthanol en Chine a dépassé les 2 milliards de litres selon la plateforme biocarburants, plaçant ainsi le pays au quatrième rang mondial, derrière l'UE. Une étude réalisée en 2009 par Novozymes et McKinsey a indiqué qu'en convertissant des résidus agricoles en éthanol la Chine pourrait réduire sa consommation d'essence de 31 millions de tonnes en 2020, réduisant ainsi de 10% sa dépendance vis-à-vis du pétrole importé et éliminant 90 millions de tonnes d'émissions de CO2. Ce faisant, cette industrie créera 6 millions d'emplois directs, générant des revenus d’environ 4,7 milliards de dollars par an. La Chine prévoit 15% de biocarburants dans la consommation totale d’énergie pour le transport d’ici 2020.
L'Inde mise aussi sur les agrocarburants. En 2009, le pays a annoncé une politique des biocarburants nationales visant à remplacer 20% de la consommation de combustible fossile à partir des graines oléagineuses non comestibles d'ici 2017. Même si le gouvernement promeut la production de biocarburants, compte tenu de la densité de la population – 383 personnes par kilomètre carré en 2008 –, des terres disponibles pour l'alimentation limitées, et de la dépendance de la population à l'agriculture comme moyen de subsistance, l’Inde a de très faibles chances de se hisser au sommet des producteurs de 'carburants verts'.
Et l’Afrique dans tout ça ?
En 2008, une trentaine de pays africains se sont lancés dans la production d’agrocarburants. Preuve de cet essor vertigineux, l’or vert africain s’exporte déjà vers l’Europe. Après l’île Maurice et le Zimbabwe, le groupe sucrier soudanais Kenana a exporté cet hiver 25 millions de litres d’éthanol, représentant 16,5 millions de dollars. De son côté, la compagnie angolaise Biocom ambitionne de créer 500 emplois directs et 700 emplois indirects grâce à son projet agro-industriel lié aux énergies renouvelables.
La croissance exponentielle des agrocarburants permettra-t-elle de propulser certains pays africains dans le sacro-saint club des pays développés ? Pour le professeur André Faaij,
une grande partie de l'Afrique trouvera des débouchés importants dans ce domaine.
Autre interrogation : les richesses produites seront-elles redistribuées plus équitablement ? L'avenir nous le dira. Mais pour l’heure, les pays du Sud et ceux du Nord affichent une volonté commune de limiter leur dépendance énergétique vis-à-vis des pays traditionnellement fournisseurs de pétrole.