La médiocre qualité de l’eau du robinet oblige chaque année les mexicains à acheter plus de 26 milliards de litres d’eau en bouteille, générant une croissance annuelle du secteur de 8,1 %. Une dépense difficilement …
Jackpot pour les fabricants d’eau en bouteille
La médiocre qualité de l’eau du robinet oblige chaque année les Mexicains à acheter plus de 26 milliards de litres d’eau en bouteille, générant une croissance annuelle du secteur de 8,1 %. Une dépense difficilement supportable pour les familles les plus pauvres, et une véritable aubaine pour les industriels, qui entretiennent le phénomène grâce à des campagnes publicitaires de grande envergure.
Le Mexique est aujourd’hui le second plus grand consommateur d’eau en bouteille au monde, devancé uniquement par l’Italie. Les Mexicains ont bu en moyenne 234 litres d’eau embouteillée par personne au cours de l’année 2009, contre seulement 110 aux États-Unis, ou 119 en Espagne.
Les spécialistes estiment que ce marché florissant est dû en grande partie au matraquage publicitaire, mais qu’il reflète également le manque d’accès à l’eau potable dont souffre une partie de la population, ainsi que les problèmes structurels liés à la production et à la distribution du précieux liquide dans le pays.
Le gouvernement mexicain affirme pourtant que 85% de l’eau distribuée au robinet est potable et de bonne qualité. Pour José Luis Luege Tamargo, responsable de la Commission nationale de l’eau, la contamination est due essentiellement à l’entretien et au nettoyage insuffisants des réservoirs d’eau particuliers. Au Mexique, il appartient en effet aux habitants de stocker quelques centaines de litres d’eau dans une citerne placée le plus souvent sur leur toit, afin d’obtenir une pression suffisante au robinet.
Le fonctionnaire accuse les marchands d’eau embouteillée de créer une véritable psychose au sein de la population mexicaine, à des fins uniquement commerciales. Car les bénéfices sont colossaux : les fabricants revendent l’eau 300 fois son prix d'achat, sans toujours garantir une qualité satisfaisante ou supérieure à celle du robinet. Selon la Commission fédérale pour la protection contre les risques sanitaires (Cofepris), la majorité des entreprises de purification d’eau ne respectent pas les normes officielles et n’offrent donc aucune garantie quant à son innocuité ou à ses bienfaits pour la santé.
Le marché de l’eau en bouteille purifiée est principalement contrôlé par des multinationales telles que Coca-Cola, Pepsi-Cola, Danone, Bonafont et Nestlé, mais compte au total près de 8 000 entreprises à travers le pays, dont plus de la moitié opéreraient dans l’illégalité.
Claudia Campero, membre des réseaux internationaux Food and Water Watch et Blue Planet Project, signale pourtant que c’est à l’État qu’il incombe d’assurer l’accès à l’eau potable pour l’ensemble de la population, et qu’au Mexique, ce droit n’est pas respecté.
Comme souvent, les pauvres sont ceux qui paient le plus lourd tribut : les personnes ne bénéficiant pas d’un raccordement particulier au réseau ne consomment en moyenne que 6 mètres cubes par mois, dont le prix unitaire varie entre 25 et 40 pesos, tandis que celles disposant de l’eau au robinet consomment de 22 à 30 mètres cubes, facturés entre 1 et 4 pesos.
Pour Claudia Campero, si le marché de l’eau en bouteilles connait aujourd’hui une telle prospérité, c’est avant tout parce que les Mexicains ne font plus confiance à l’eau qui sort de leur robinet : celle-ci étant en effet considérée comme la pire d’Amérique Latine. Publié en 2006, le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau évaluait 122 pays et plaçait le Mexique en 106ème position. Pour assouvir leur soif, les Mexicains n’ont donc d’autre choix que de continuer à verser une part importante de leurs ressources économiques aux géants de la boisson sous plastique.