Prévue dans le cadre de la loi de transition énergétique pour une croissance verte, l'interdiction progressive des sacs en plastique à usage unique dans la grande distribution a été reportée au mois de mars prochain. La commission européenne s'est en effet emparée du dossier afin d'examiner les conditions de mise en œuvre de cette disposition et la pertinence de ses conséquences économiques et environnementales.
Les enjeux d'une réduction progressive des sacs plastiques à usage unique
Selon un communiqué du ministère de l’écologie publié le lundi 28 décembre dernier, la Commission européenne a choisi de bloquer la publication du décret d'application concernant l'interdiction des sacs plastiques jusqu’au 28 mars prochain, afin d’évaluer les risques juridiques de cette mesure et d’éviter les recours des fabricants de sacs. Le ministère souligne notamment que le poids, la taille et le type de sac concerné par l’interdiction doivent être précisés, en lien avec la réglementation européenne. Des détails qui ont leur importance au regard du nombre de sacs plastiques utilisés à l'heure actuelle et des conséquences de cette interdiction sur l'économie et l'industrie françaises.
Une limitation des sacs plastiques autorisés à 25 litres par exemple pourrait avoir de graves conséquences économiques et environnementales et s'avérerait à la fois trop restrictive et totalement contre-productive. On estime en effet dans ce cadre une perte sèche de 3.000 emplois dans l'industrie française et l'augmentation en parallèle des sacs en papier, un modèle dont l'empreinte écologique n'est pas plus avantageuse. Si la suppression des petits formats est compréhensible au regard de leur caractère peu réutilisable, un seuil de 10 litres permettrait aujourd'hui de répondre aux normes environnementales européennes tout en préservant l'industrie française.
La directive européenne visant à réduire la consommation des sacs plastiques à usage unique légers n'est d'ailleurs pas faite dans l’intention de nuire aux PME européennes, mais bien d'engager une transition progressive vers des modèles de production et de consommation plus durables. Une interdiction trop radicale des sacs plastiques pose également la question de leur remplacement. Car si le nombre de sacs plastiques ne cesse de diminuer depuis 2003, ils représentent encore plus de 700 millions d'unités distribuées par an. Or, la loi sur la transition énergétique prévoit dans un second article sur le sujet l'interdiction totale de tous les autres sacs plastiques jetables, y compris ceux fournis pour emballer les fruits et légumes ou le fromage. Cette disposition qui entrera en vigueur le 1er janvier 2017 ne concerne pas les sacs biodégradables et consacre donc le plastique végétal comme une solution d'avenir parmi d'autres, malgré des caractéristiques de production aujourd'hui très critiquées.
Le bioplastique, une solution de substitution à double tranchant
Première alternative évoquée pour remplacer les millions de sacs plastiques mis à l'amende, la généralisation des sacs bioplastiques est pourtant loin d'être sans conséquence sur notre environnement et comporte elle aussi de nombreux risques à moyen terme.
Fabriqués à base de matières premières végétales et renouvelables (maïs, patate douce, blé, canne à sucre, huile de ricin, etc.), ces sacs biosourcés sont à la fois biodégradables et compostables. Des qualités certes non négligeables mais qui cachent en parallèle un véritable problème de production. Ces matières bioplastiques nécessitent en effet de nombreux hectares de terres arables et rentrent ainsi en compétition avec la culture alimentaire. Comme l'explique dans le Parisien Christian Berdot de l'association Les Amis de La Terre, "pour couvrir ses besoins agricoles et forestiers, la France a besoin de 33 millions d’hectares de terre. Si on doit remplacer la production plastique pétrolière par une production issue de l’agriculture (maïs ou autre), les terres arables mondiales ne suffiront pas. Soit on va nourrir les humains, soit on va faire des bioplastiques".
Le pari d'une production bioplastique généralisée à l'échelle planétaire apparaît donc peu pertinent d'un point de vue éthique et ne serait au final que peu profitable à l'environnement. En effet, si développer et écouler des sous-produits (résidus de canne à sucre, chardon) à une échelle locale est avantageux, envisager une production mondiale des bioplastiques n'aidera l’écosystème marin que pour mieux détruire les écosystèmes terrestres. La déforestation, l'épuisement des sols ou des réserves hydrauliques, l'abus des pesticides et des OGM dans la culture du maïs pour des utilisations non-alimentaires, et la contamination des cultures qui en découle, sont autant de limites qui remettent en cause aujourd'hui les atouts du plastique végétal et de la chimie verte.
Seuls un changement de comportements et une utilisation plus responsable du plastique via une réduction des suremballages, le développement du recyclage et de l'économie circulaire pourront à terme répondre aux exigences environnementales actuelles. Ces filières, solution miracle au gaspillage pour la ministre de l’Environnement Ségolène Royal, n’offrent de fait pas les garanties d’une exploitation durable. Une fois n’est pas coutume, cette future interdiction défendue par la ministre, si elle part probablement d’une bonne intention, fera chou blanc. Un travers de l’écologie punitive instaurée par l’Etat critiqué dans une pétition qui fait doucement, mais sûrement, son petit bonhomme de chemin jusqu’à mars prochain et la prise de décision de la Commission européenne.