Au Brésil, certains sites Internet mettent en vente des élixirs d’amour… faits avec les organes génitaux des dauphins d’Amazonie …
Heureux en amour, malheur aux dauphins
Au Brésil, certains sites Internet mettent en vente des élixirs d’amour... faits avec les organes génitaux de dauphins d’Amazonie.
Le Don Juan amazonien n’a ni un regard séducteur ni les cheveux au vent. Il est dit dans cette région que personne n’est aussi attirant que le dauphin gris ou Tucuxi, un parent proche des dauphins de mer mais qui ne vit que dans les fleuves. Selon la légende, la nuit, l’animal sort des eaux et se transforme en un élégant jeune homme auquel aucune femme ne peut résister. Le mythe est tellement présent dans la culture populaire que, depuis quelques décennies, il est l’objet d’opportunités commerciales. En effet, sur les marchés municipaux, de petites fioles en verre sont vendues ; elles contiennent des morceaux d’organes sexuels de l’animal, immergés dans de l'huile ou du parfum. L’étiquette vante le pouvoir de séduction de l’animal. Il promet un sérieux coup de pouce pour conserver l'être aimé à jamais.
Tout ceci est cependant parfaitement illégal. La vente de morceaux de la faune brésilienne est considéré comme un crime environnemental.
Mais depuis une époque précédant la colonisation du Brésil, les riverains de la région Nord tuent les dauphins et enfreignent la loi au nom de la tradition. Tant qu’elle était restreinte aux marchés municipaux locaux, essentiellement ceux de Belém et Manaus, la pratique pouvait être considérée comme confidentielle. Mais en débarquant sur l'internet, le commerce s’est démultiplié au point de représenter une sérieuse menace pour l’espèce.
Sur les marchés, la fiole coute 5 R$ (2 euros) et les commerçants savent qu’ils se trouvent dans l’illégalité.
Si on est pris en train de vendre ça, on aura une amende de 500 R$. C’est interdit car l’animal est menacé, dit un vendeur.
Au-delà du danger pour l’animal, ce commerce est une véritable arnaque. Il y a deux ans, la biologiste Thais Sholl, de la Fondation Oswaldo Cruz, a effectué des recherches sur le contenu des fioles. Elle a extrait l’ADN de 34 échantillons de tissus trouvés sur les marchés de Belém et Manaus et a conclu qu’aucun ne provenait du dauphin d’eau douce Tucuxi. Il s’agissait en réalité d’un dauphin de mer, le Sotalia guianensis, présent tout le long de la côte brésilienne. L’animal est capturé par les pêcheurs dans la Baie de Marajó, au nord de Belém, et sur la côte de la région d’Amapá. D’après les commerçants, la capture du dauphin est accidentelle dans le sens où celui-ci se prend dans les filets des pêcheurs et meurt étouffé. Il est alors vendu pour un prix dérisoire. La chair est vendue à des pécheurs en haute-mer et sert d’appât pour les requins, la carcasse est jetée à l’eau. Sans preuve du crime sur la terre ferme, personne ne court le risque d’être pris en flagrant délit.
La capture 'accidentelle' des dauphins n’est pas un crime en soi. Mais la quantité de ces mammifères disparaissant dans les filets des pécheurs est inquiétante. En 2007, une observation du phénomène a été mise en place. Elle a notamment révélé le cas d’un bateau contenant plus de 80 dauphins morts à son bord. Personne n’a été inquiété. Les filets dérivants de plus de 2,5 km de long sont pourtant interdits depuis 1998 mais, sous la pression du lobby de pêche industriel, ils sont de nouveau tolérés. Selon la biologiste Thais Sholl, il est difficile de blâmer les commerçants qui récupèrent les organes de dauphins déjà morts.
Pour lutter contre ce fléau, des conditions de pêche plus rigoureuses sur les filets dérivants doivent être mises en place.