Exploitant des courants marins à la fois réguliers et prévisibles, l'énergie hydrolienne dispose d'atouts précieux pour assurer la stabilité du réseau électrique en comparaison aux problèmes d'intermittence rencontrés par l'éolien ou le solaire. Un avantage certain qui devrait assurer à cette nouvelle énergie renouvelable un fort développement dans les années à venir en France comme à l'international.
Une ressource immense et renouvelable à l'échelle planétaire
Au regard des perspectives de développement affichées, l'émergence d'une filière industrielle consacrée à l'énergie des courants marins ne fait plus aucune doute. Au niveau mondial, le marché de l'énergie hydrolienne devrait représenter entre 70 et 100 milliards d'euros à l'horizon 2030, pour une puissance de production électrique estimée à 90 gigawatts (GW).
Comme l'explique au journal Le Monde Antoine Rabain, responsable du pôle énergies et technologies vertes au sein du cabinet d'études Indicta, "après l'éolien offshore posé, seul procédé actuellement commercialisé dans les énergies marines renouvelables [EMR], l'hydrolien est la technologie la plus mature, devant l'éolien flottant, le houlomoteur [l'énergie de la houle] et l'énergie thermique des mers".
La plupart des pays possédant une façade maritime exposée à des courants forts (plus de 3 m/s) sont donc susceptibles de les exploiter pour une production mondiale maximale estimée entre 400 et 800 TWh/an3. La Corée, l'Australie, le Canada, ou la Norvège présentent des ressources considérables et se lancent chacun à leur tour dans la course à l'énergie hydrolienne.
En Europe, le potentiel hydrolien théoriquement exploitable serait de 15 GW, pour une production annuelle qui s’élèverait entre 20 et 30 TWh, soit la consommation d'un pays comme la Suisse (6 à 8 millions d'habitants). Plus de 80 % de ce potentiel est situé au Royaume-Uni. Doté de gisements hydroliens trois fois plus importants que la France (60% du potentiel européen, soit 9 GW pour 12 à 18 TWh), le Royaume-Uni possède le double avantage d'un retour d'expérience déjà conséquent et d'un portefeuille de projets extrêmement ambitieux.
Une technologie française à la pointe
La France a toutefois sa carte à jouer à l'échelle internationale. L'Hexagone dispose de sérieux atouts pour encourager le développement de sa filière industrielle, à commencer par la cible de 50 MW en 2020 fixée par le Plan d'Action National en faveur des Energies Renouvelables, sur les 400 MW potentiels identifiés par l'ADEME.
Plusieurs fabricants de turbines comme Hydroquest, Sabella, ou DCNS, associés aux grands groupes énergétiques (Engie, EDF, Alstom, etc.) se sont d'ores et déjà positionnés sur ce marché en devenir, et ont enregistré en 2015 les premières productions officielles d'électricité. Le projet du Fromveur par exemple, mené par la société Sabella en collaboration avec Engie, a inauguré cette année le raccordement de la première hydrolienne au réseau électrique français, et alimente aujourd'hui en électricité l'île d'Ouessant en Bretagne. Trois autres hydroliennes devraient également y être installées d'ici à 2019.
En parallèle, la première centrale hydrolienne installée en pleine mer au large de Paimpol-Bréhat par EDF et DCNS disposera d'une deuxième turbine à compter du mois de mars 2016. Les deux machines de 2 MW seront immergées par 40 mètres de fond et pourront fournir suffisamment de courant pour alimenter environ 1.500 foyers. "Ce sera la première fois au monde qu'un parc hydrolien produira de l'énergie injectée sur un réseau de distribution. Le fait d'avoir deux machines, de convertir la production et de l'acheminer à terre avec un seul système, de piloter les deux hydroliennes avec un seul système, c'est une nouveauté", précise Rémi Courtal, chef des projets industriels chez EDF.
La ferme hydrolienne de Paimpol-Bréhat permettra de valider le fonctionnement des deux premières turbines équipées d'un poste de conversion et reliées au réseau électrique. Une première mondiale pour le groupe EDF dont les retours d'expérience bénéficieront au projet "Normandie Hydro" et l'implantation de sept machines dans le Raz-Blanchard à la pointe de la Hague d'ici à 2017 ou 2018.
Au total, les courants marins au large des côtes françaises, qui s’étendent sur 3.400 kilomètres, seraient suffisamment forts pour faire fonctionner plusieurs centrales marémotrices de 3.000 mégawatts, soit l'équivalent de la production de trois ou quatre centrales nucléaires. Un potentiel prometteur qui nécessitera toutefois pour cette énergie verte encore plusieurs années de développement avant de pouvoir prétendre à une place de premier ordre dans le mix énergétique français.