Stupeur parmi les écologistes, alors que plusieurs provinces du grand Sud argentin encouragent la chasse au puma, le dernier grand félin de la région, pourtant menacé d’extinction. Le guanaco, proche cousin du lama, pourrait être le prochain sur la liste. Des mesures qui profitent en premier lieu aux grands producteurs de laine.
En Patagonie, la chasse (aux espèces menacées) est ouverte
Stupeur parmi les écologistes, alors que plusieurs provinces du grand Sud argentin encouragent la chasse au puma, le dernier grand félin de la région, pourtant menacé d’extinction. Le guanaco, proche cousin du lama, pourrait être le prochain sur la liste. Des mesures qui profitent en premier lieu aux grands producteurs de laine.
Le retour des chasseurs de primes
Comme d’autres crient au loup, ou aux ours, les éleveurs d’ovins de Patagonie dénoncent les dégâts provoqués par les pumas sur leurs troupeaux. Ils réclament le droit d’éradiquer les fauteurs de trouble et, à la surprise générale, obtiennent gain de cause.
Pour satisfaire la demande des éleveurs, la province de Rio Negro n’a pas hésité à déclaré le puma « espèce nuisible » et à mettre sa tête à prix.
Une récompense de 500 pesos (un peu moins de 100 euros) par animal abattu est offerte aux chasseurs, à laquelle vient s’ajouter une prime, comme l’explique le directeur de l’Élevage de la province :
« La somme versée officiellement est majorée grâce à un coup de pouce des éleveurs, qui sont les premiers à vouloir se débarrasser de ce fléau. »
Le fonctionnaire signale qu’il y a deux manières d’éradiquer le félin : grâce à des pièges métalliques qui se referment sur une de ses pattes et torturent le puma jusqu’à ce qu’il se vide de son sang, ou en traquant l’animal avec des chiens pour l’abattre ensuite au fusil. Les pièges sont même fournis par le ministère.
Photos sanglantes sur les réseaux sociaux
Les résultats de ces mesures ne se sont pas fait attendre, et une série de photos macabres de chasseurs de prime posant aux côtés de leurs proies ensanglantées n’ont pas tardé à envahir les réseaux sociaux.
Une situation qui révèle la faiblesse des autorités locales face au lobby des producteurs, alors que devrait primer la défense d’une espèce menacée, indispensable à l’équilibre des écosystèmes de la région.
Dans la province voisine de Santa Cruz, un autre animal emblématique des régions andines pourrait bientôt tomber sous les balles des chasseurs. Il s’agit du guanaco, un camélidé de la famille des lamas, accusé cette fois de provoquer des accidents de la route. Les députés provinciaux aimeraient le classer lui aussi parmi les espèces nuisibles, afin de pouvoir procéder au « contrôle de sa population ».
Du point de vue des écologistes, la mesure permettrait surtout de faire place nette, pour favoriser une fois encore l’élevage de moutons.
Le guanaco protège les sols
Une aberration pour les spécialistes du Conicet, le Conseil national d’investigations scientifiques et techniques, qui n’ont pas hésité à publier un article expliquant au contraire que le guanaco offre une véritable alternative de développement durable dans les régions arides.
Recherchée pour son extrême finesse, sa douceur et son imperméabilité, la laine de guanaco vaut jusqu’à 180 dollars le kilo, contre 6 seulement pour la laine de mouton.
De plus, ce camélidé est adapté aux fragiles écosystèmes de la Patagonie et pourrait aider à lutter contre la désertification. À la différence des moutons, les pieds des guanacos sont en effet équipés de coussinets, qui leur permettent de se déplacer sans endommager le sol. Par ailleurs, ils exercent une moindre pression sur les ressources : les spécialistes estiment que la population de guanacos a pu atteindre 40 millions d’individus à l’époque précolombienne, sans provoquer de dégradation des écosystèmes.
Cependant, ces arguments pèsent peu face aux profits des géants du textile de Patagonie. Malgré la vague d’indignation suscitée par la réouverture de la chasse, l’avenir des grands mammifères sud-américains ne tient toujours qu’à un fil…de laine !