L’exceptionnelle diversité biologique de la Patagonie offre de nouvelles pistes aux scientifiques dans le domaine des filtres solaires, de la décontamination ou encore des détergents. Prélevées sur les volcans, les glaciers et les lacs, les levures sont loin d’avoir livré tous leurs secrets.
Des crèmes solaires naturelles, grâce aux levures de Patagonie
L'exceptionnelle diversité biologique de la Patagonie offre de nouvelles pistes aux scientifiques dans le domaine des filtres solaires, de la décontamination ou encore des détergents. Prélevées sur les volcans, les glaciers et les lacs, les levures sont loin d'avoir livré tous leurs secrets.
"Les levures sont des champignons unicellulaires dont on recense à l'heure actuelle quelque 1500 espèces, mais l'on estime que ce chiffre ne représente que 5% de l'ensemble présent dans la nature", explique Diego Libkind, du Centre national de recherche scientifique d'Argentine (CONICET).
Depuis plusieurs années, ce scientifique étudie des levures provenant de milieux isolés, et plus particulièrement de Patagonie, où de nombreuses zones n'ont subi quasiment aucune influence humaine en raison de leur accès difficile. L'équipe de travail du chercheur s'est intéressée à des levures provenant d’environnements très divers, comme la terre, les racines, les lacs, les glaciers, l’écorce, le nectar des fleurs ou encore les champignons. Son laboratoire a déjà décrit 11 nouvelles espèces et en a découvert 20 autres en attente d'examen.
Parmi les découvertes les plus prometteuses, des levures prélevées en milieu lacustre ont montré une tolérance élevée à des doses importantes d'ultraviolets, grâce à la production de composés nommés mycosporines.
Anti-UV et antioxydant
Les mycosporines agissent à la manière des filtres solaires que nous utilisons pour éviter de nous brûler la peau, en absorbant la radiation UV. La présence de ces composés dans certaines algues et bactéries était déjà connue, mais c'est la première fois qu'elle est détectée dans des levures. L'avantage principal des levures est de produire des quantités près de mille fois supérieures à celles fabriquées par d'autres micro-organismes, ce qui rend possible leur extraction et leur purification grâce à des procédés peu coûteux.
Diego Libkind et ses collègues ont également démontré le pouvoir antioxydant des mycosporines. Celles-ci sont capables de neutraliser les molécules produites par les radiations ultraviolettes, qui attaquent nos cellules lorsque nous sommes exposés au soleil. La fabrication de crèmes solaires naturelles à base de mycosporines bloquant les UV-B peut dès lors être envisagée.
La bière anglaise trouve ses racines en Patagonie
Les scientifiques argentins mettent en avant le potentiel exceptionnel de la biodiversité microbienne de Patagonie pour le développement de nouvelles biotechnologies permettant d'améliorer notre qualité de vie ou de préserver l'environnement.
Diego Libkind signale que son équipe a par exemple réussi à isoler des levures présentes en milieu volcanique capables d'accumuler les métaux lourds, qui pourraient servir à dépolluer les sols contaminés grâce à des techniques de bioremédiation. Dans les glaciers, des levures fabriquent quant à elle des enzymes pouvant dégrader les graisses et les protéines à basse température, qui entreront peut-être un jour dans la composition de savons et de détergents dont les performances ne sont pas affectées par l'eau froide.
Récemment, les travaux des chercheurs argentins avaient déjà fait la une des médias internationaux, en révélant que la levure utilisée dans le monde entier pour fabriquer la bière blonde à fermentation froide (lager) était originaire de Patagonie.