Le Consortium de l’usine hydroélectrique de Santo Antonio, en Amazonie, a fait une demande auprès de l’ONU pour entrer sur le marché lucratif des crédits carbone. Mais sa matière sociale et environnementale ne plaide pas en sa faveur.
Des crédits carbone pour une entreprise “voyou”?
Le consortium de l’usine hydroélectrique de Santo Antonio, en Amazonie, a fait une demande auprès de l’ONU. Il souhaite entrer sur le marché lucratif des crédits carbone. Son historique récent en matière sociale et environnementale ne plaide pourtant pas en sa faveur.
Début 2012, des images de maisons emportées par la force des eaux du fleuve Madeira ont accompagné l’ouverture des vannes de la centrale hydroélectrique de Santo Antonio. Elle est l'une des principaux ouvrages du PAC (Programme d’Accélération de la Croissance) en Amazonie. Les impacts subis par les habitants des berges du fleuves ont été si intenses que le Ministère Public a dû intervenir. Il oblige le consortium à prendre en charge les dizaines de sans-abris.
C'est le dernier chapitre en date d’une série de problèmes environnementaux et sociaux qui s’accumulent contre l'usine. Elle aimerait vendre des crédits carbone en s’inscrivant auprès du MDL (Mécanisme de Développement Propre), instrument créé par le Protocole de Kyoto. Celui-ci incite les projets environnementaux responsables.
D’après la demande faite par Santo Antonio Energia SA, l’usine ne doit émettre aucun gaz à effet de serre, tout en améliorant la qualité de vie des populations locales. Ceci lui donnerait le droit de négocier des crédits carbone à hauteur de 51 millions de tonnes d’émissions d’équivalents CO2. En février 2012, le prix minimum d’une tonne d’équivalent CO2 était d’environ 30 US$ sur le marché international.
Un projet contesté
La demande de certification de l’usine auprès de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (UNFCCC) est largement contestée par des ONG nationales et internationales et par des spécialistes de la question. D’après le chercheur de l’Institut National de Recherche sur l’Amazonie (INPA), Philip Fearnside, le projet de Santo Antonio Energia est un leurre d'un point de vue technique:
Aucune des supposées réductions d’équivalents CO2 du projet n’est réelle. L’approuver serait un recul dans la lutte contre le réchauffement climatique.
D’après Fearnside, la décomposition de la végétation immergée par le réservoir et la pression des eaux passant dans les turbines, émettront un grand volume de gaz à effet de serre. Pour le chercheur, les projets de MDL ne peuvent être validés que si la prétendue diminution des émissions se fait sans les financements de ce mécanisme. Or, l’usine de Santo Antonio a été financée par des fonds publics avec l’objectif d’engendrer des bénéfices, même sans l’aide du MDL.
Un environnement mis en danger
Les opposants ont établi une liste des nombreux impacts de l’usine. Ils la tiennent responsable de l’extinction d’espèces endémiques de poissons, de menaces pesant sur les indiens isolés, et de la déforestation record enregistrée dans la municipalité de Porto Velho en 2010. Le site Repórter Brasil a également dénoncé des infractions du code du travail sur le chantier en 2009. La construction de l’usine coïncide en outre avec une poussée de violence, de prostitution d’enfants et de consommation des drogues dans la région. Les opposants se font entendre:
La demande du MDL pour l’usine de Santo Antonio est clairement manipulée pour sous-estimer les impacts sociaux et environnementaux. Le projet est indéfendable et plutôt propice à augmenter que diminuer l’émission de gaz à effet de serre. L’approbation de ce projet pourrait créer un précédent extrêmement dangereux pour le MDL.