Chicorée : une alternative durable au café gagne du terrain

Un parfum de caramel, un brin d’amertume, et une promesse d’un monde plus vert. Derrière son image poussiéreuse, la chicorée revient en force dans les foyers, portée par une génération en quête de sens et d’alternatives durables. Mais cette plante robuste pourrait-elle vraiment ébranler le règne sacré du café ? Une chose est sûre : les chiffres, les tendances et l’Histoire en disent long.

By Stéphanie Haerts Last modified on 13 avril 2025 17 h 55
la Chicorée, une alternative au café
Chicorée : une alternative durable au café gagne du terrain © Shutterstock

La chicorée, ce champion discret de l’empreinte carbone

Moins gourmande en ressources, plus sobre en carbone, la chicorée est la star écolo que le café redoute en silence. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), une tasse de chicorée libère à peine 10 grammes de CO2, contre 49 pour le café. Une différence abyssale, surtout quand on sait que le café est souvent le fruit d’une production intensive, alimentée par la déforestation, les intrants chimiques et une consommation d’eau délirante.

À l’inverse, la chicorée pousse sans artifices, demande peu d’eau, ne dépend d’aucun pesticide agressif. Le tout à quelques kilomètres de chez nous. En effet, la France est le premier producteur mondial, avec 2000 hectares cultivés et une concentration de 95 % de la production dans les Hauts-de-France. Un « made in local » qui séduit à une époque où la traçabilité et la relocalisation deviennent des revendications citoyennes.

La chicorée, une boisson qui coche toutes les cases... sauf celle de l’ennui

Face au café, certains pensaient la bataille perdue d’avance. Ils avaient tort. « Local, végétal, naturel, peu transformé et riche en fibres », énumère Ghislain Lessafre, PDG de la Chicorée Leroux dans des propos rapportés par le site Ça m'intéresse. Et il a bien raison de bomber le torse. Aujourd’hui, la marque Ricoré de Nestlé représente déjà 4 % du marché du café vendu en grande surface. Le revival n’est pas seulement marketing, c’est une conquête générationnelle. La chicorée se réinvente sur Instagram, dans les cosmétiques et même dans la bière.

Les entrepreneurs comme Guillaume Roy, cofondateur de Cherico, vantent « son petit goût subtil de caramel toasté, avec une pointe d’amertume », pendant que Sarah Azens, créatrice de la marque Nourée, insiste sur ses bienfaits santé et sa capacité à offrir une « alternative saine au café ». Et pour cause : cette cousine de l’endive est gorgée d’antioxydants, de fibres et de vitamines. Elle facilite la digestion, stimule le foie, améliore le transit et pourrait même contribuer à la prévention de maladies cardiovasculaires. Depuis Pline l’Ancien jusqu’aux chercheurs d’aujourd’hui, les vertus médicinales de la chicorée font l’unanimité.

Crise climatique, prix du café : la chicorée gagne aussi sur le terrain économique

Quand le climat se dérègle, le café trinque. Inondations, sécheresses, parasites… Les cultures de café sont à la peine et les prix s’envolent. En 2024, un paquet de café moulu de 250 g a pris 20 centimes, et les bars ont emboîté le pas, avec une augmentation de 20 % du prix de l’expresso. Pendant ce temps, la chicorée reste étonnamment stable. Son rendement constant, ses faibles besoins et ses circuits courts en font un produit à la fois rentable pour les agriculteurs (passant de 40 à 100 euros la tonne en vingt ans) et accessible aux consommateurs.

Mais faut-il nécessairement opposer les deux boissons ? Pas pour Guillaume Roy, qui prône l’hybridation : le kaapi indien, la Ricoré ou d’autres mélanges basés sur des proportions variées montrent que café et chicorée peuvent coexister. Une stratégie douce pour réduire la caféine tout en conservant le plaisir gustatif.

Une tradition ancienne pour une modernité assumée

Le paradoxe est savoureux : la modernité écologique s’appuie sur une tradition vieille de plusieurs siècles. Dès le XVIIe siècle, la chicorée était déjà transformée en cossettes déshydratées puis torréfiées, avec un processus qui n’a pratiquement pas changé jusqu’à aujourd’hui.

Elle a même remplacé le café pendant les deux guerres mondiales, preuve de sa résilience. Mieux encore, la chicorée s’est taillée une place dans la gastronomie du Nord : crème brûlée, carbonnade flamande, tartines du matin, et même bières artisanales, elle s’immisce partout où le goût et l’originalité sont les bienvenus.

Et demain ? Une chicorée exportée, valorisée, revisitée

Si 70 % de la chicorée torréfiée française part à l’export, le reste se fraye un chemin dans les foyers, les cafés, et bientôt peut-être les startups de la green food. Le marché mondial, qui pesait 601,3 millions de dollars en 2020, pourrait atteindre 1,2 milliard en 2032. Les signaux sont au vert, comme la planète le réclame. La chicorée n’est pas un effet de mode, mais une alternative crédible et durable. Une plante rustique qui n’a plus à rougir face à son cousin lointain, le café. Et si le XXIe siècle redonnait ses lettres de noblesse à la petite bleue du Nord ?

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à la consommation, la finance, les technologies, l'énergie et l'éducation.

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