Malgré un isolement extrême et de bien maigres ressources, les artisanes des communautés autochtones de la jungle hondurienne ont réussi à faire connaître et à exporter leur savoir-faire ancestral …
Ces femmes qui transforment l’écorce en tissu
Malgré un isolement extrême et de bien maigres ressources, les artisanes des communautés autochtones de la jungle hondurienne ont réussi à faire connaître et à exporter leur savoir-faire ancestral : la fabrication d’une toile naturelle obtenue grâce à l’arbre Tuno.
Un arbre étrange
Au fin fond de la Réserve de biosphère Río Plátano, se cache le petit village de Wanpusirpe, où les Indiens Miskitos, Tawahkas et Pech cohabitent paisiblement depuis des siècles. C’est là que pousse le Tuno, un arbre dont l’étrange écorce a offert aux femmes de ces communautés leurs premiers salaires, leur ouvrant ainsi le chemin de l’émancipation et de la reconnaissance internationale.
Un processus de fabrication original
Le tissu de Tuno, n’est pas une toile tissée. Pour le fabriquer, les femmes miskitas et tawahkas épluchent les tunos et récupèrent de grandes surfaces d’écorce, qu’elles raclent pour obtenir une couche végétale aussi fine que possible. Vient ensuite un laborieux processus de lavage et de séchage, puis les feuilles sont battues pour obtenir la souplesse requise.
Le tissu est ensuite décoré grâce à des teintures naturelles, fabriquées à partir d’extraits d’arbres et de racines, qui permettent d’obtenir jusqu’à 40 couleurs différentes.
Seule l’écorce est retirée de l’arbre, qui peut continuer sa croissance et offrir d’autres récoltes.
Une utilisation traditionnelle...
Traditionnellement, le tissu de Tuno servait à fabriquer des habits, des draps et des objets de culte. Avec l’apparition des textiles modernes, cette méthode insolite est peu à peu tombée en désuétude et doit son renouveau à Clarabel Maybeth, présidente de la coopérative Won helpka (Notre aide) et au soutien de l’Agence de coopération technique allemande pour le développement (GTZ).
Tandis que les hommes de la région travaillent dans des exploitations forestières ou des plantations de cacao, les Miskitas et les Tawahkas, comme presque toutes les femmes du pays, sont reléguées aux tâches ménagères et ne perçoivent donc aucun revenu propre.
Pour pouvoir vendre leur production, ces artisanes ont dû apprendre à exécuter des commandes précises et à respecter les dimensions et les motifs exigés par leurs premiers clients.
... pour un développement durable à grande échelle
Là encore, c’est une femme qui est venue à leur secours en leur proposant des formations en partenariat avec la GTZ. Regina Aguilar, artiste et propriétaire du magasin In Vitro à Tegucigalpa, dans la capitale, a poussé 40 femmes de 3 communautés différentes à apprendre les rudiments de la gestion d’un commerce.
Fortes de leurs nouvelles compétences, ces artisanes offrent aujourd’hui un produit d’excellente facture, que Regina Aguilar n’a pas hésité à emmener avec elle lors du Salon Paperworld de Francfort, en Allemagne. Nappes, sac à mains, sacoches, housses de coussins et même tableaux ont traversé l’Atlantique pour être proposés au monde européen de la mode.
Les tissus de Tuno ont été sélectionnés parmi 2 500 participants afin d’être exposés dans la section spéciale Nouvelles Tendances, où ils ont rencontré un succès immédiat. L’intégralité des produits exposés a rapidement été vendue, et les artisanes de Wanpusirpe ont pu savourer une victoire toute féminine, puisque les magnifiques tissus de Tuno, naturels et issus de ressources renouvelables, sont intégralement conçus, fabriqués, commercialisés et même achetés par des femmes.