Alors que le projet collaboratif européen Smart CO2 Transformation, lancé en 2013 par l’Allemagne, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, doit prendre fin en septembre, les techniques visant à capter le dioxyde de carbone pour atténuer l’impact environnemental des activités industrielles en sont à des stades d’avancement diverses.
Deux questions clés régissent le développement de nos modèles énergétiques : l’inégalité de l'accès à l'énergie et la réduction de l’emprunte carbone. S’il faut renforcer notre production afin que chacun puisse avoir accès à un couvert énergétique fiable – qui assurera la connectivité et renforcera l’emploi, la sécurité alimentaire et sanitaire –, nous émettons actuellement bien trop de dioxyde de carbone (CO2) pour pouvoir respecter la limite des 2 °C de hausse moyenne des températures en 2100. Il est donc crucial de réduire nos consommations excédentaires et de s’orienter vers des modes de production « verts », dont l’impact sur l’environnement sera nul ou réduit. Cela implique une rationalisation de la consommation dans les pays développés, avec la mise en place d’une taxe carbone par exemple, mais aussi un développement de modes de production d’électricité « durables ».
Le CO2 comme ressource
En l’état, les énergies renouvelables – hydraulique, éolien, solaire, biomasse – ne peuvent pas représenter une part majoritaire de la production d'électricité avant plusieurs décennies, et ne sont de toute manière pas adaptées aux grands espaces urbains très densément peuplés. Ainsi, une solution palliative – mais pas que – pourrait être la captation du CO2 émis par les installations industrielles, même si aujourd’hui le captage du dioxyde de carbone est encore en phase expérimentale. Plusieurs pistes ont été explorées et s’avèrent plus ou moins concluantes ; elles devraient concerner en priorité les installations les plus émettrices (plus de 100 000 tonnes de CO2 par an). Des solvants chimiques permettant d’extraire le CO2 dans les fumées d’échappement sont également en phase de développement – la technique est par exemple testée au sein de la centrale thermique d’EDF au Havre (Seine-Maritime) depuis juillet 2013.
D’autres études cherchent à remplacer l’air par de l’oxygène pur lors des phases de combustion, afin de réduire les émissions en amont du processus. Le procédé est cependant encore inabouti et très coûteux. Encore plus techniques, certaines recherches visent aujourd’hui à capter le CO2 avant même la phase de combustion – il serait isolé par procédé chimique, transformé en gaz dense et séparé du reste du combustible sous pression. Pour l’heure, si toutes ces pistes affichent encore un coût prohibitif – aucune ne sera véritablement prête à l’exploitation avant 2025 –, l’engouement autour de la captation du CO2 est palpable. Le projet collaboratif européen des « Régions de la Connaissance » SCOT (Smart CO2 Transformation), débuté en octobre 2013 et qui vient de s’achever, a justement permis des avancées considérables, notamment dans la rentabilisation économique du dioxyde de carbone. Les porteurs du projet, issus des régions de cinq pays européens – Allemagne, Belgique, France, Grande-Bretagne et Pays-Bas –, souhaitaient alerter les décideurs politiques sur le concept de « CO2 comme ressource ». Ils ont notamment cherché à développer le marché de l'utilisation du dioxyde de carbone pour en faire du carburant ou des matériaux, et appuyer les avancés en matière de captation.
Guinness des records
Outre les différentes innovations qui existent à l’état expérimental – pour la plupart –, le « cycle combiné gaz » (CCG) mérite d’être mentionné. Principalement basée sur le gaz naturel, la technologie s’articule autour de deux turbines – l’une à combustion et l’autre à vapeur – produisant toutes deux de l’électricité. De l’air est injecté à haute pression dans la première, qui contient également du gaz, pour y être brûlé ; les gaz produits sont récupérés pour chauffer de l’eau et créer de la vapeur dans la seconde turbine. La vapeur est ensuite refroidie dans un condenseur et peut ultérieurement être réutilisée dans la chaudière. Ce qui permet non seulement d’assurer une production parallèle mais aussi de diviser les émissions par deux. De plus, ces deux turbines peuvent produire une quantité plus importante d’électricité, permettant une grande flexibilité pour les périodes de pointe (grand froid, absence de vent ou de soleil…).
A l’image de la voiture hybride, ce type d’initiatives entraine une transition douce, tout en assurant la recherche dans des énergies 100 % durables qui assureront la production de demain. Le potentiel du CCG n’a pas échappé à l’énergéticien français EDF qui a décidé de se lancer dans l’aventure. S’étant engagé à augmenter, à travers la stratégie CAP 2030, sa part d’énergie renouvelable de 28 GW à plus de 50 GW dans les quinze prochaines années, l’électricien a inauguré le 17 juin dernier la première centrale « CCG » à Bouchain (Nord). Cette dernière nécessite moins de combustible à rendement supérieur qu’une centrale classique et permet de réduire de moitié les émissions atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2), de diviser par trois les émissions d’oxyde d’azote (NO2) et de quasiment supprimer les émissions d’oxyde de soufre (SO2) par rapport aux moyens de production au charbon. Par la captation des émissions, cette centrale a réussi à transformer l’un de ses défauts en qualité, et cette innovation a récemment fait l’objet d’une inscription au Guinness Book des records.
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