La flambée du prix du baril de pétrole en 2008 a poussé l’Afrique dans les bras des biocarburants. Mais faut-il pour autant sacrifier l’autosuffisance alimentaire sur l’autel des devises ?
Les biocarburants c’est bien, mais il faut nourrir les populations
La flambée du prix du baril de pétrole en 2008 a poussé l’Afrique dans les bras des biocarburants. Depuis cette année, plusieurs états exportent à destination de l’UE. Mais faut-il pour autant sacrifier l’autosuffisance alimentaire sur l’autel des devises?
Après 2008, ils sont trente pays à avoir sauté le pas. L’équation était simple : biocarburants = développement économique.
Produits agricoles, les agrocarburants allaient réduire la dépendance énergétique à l’égard du pétrole tout en créant des emplois dans le milieu rural.
Au Sénégal, comme au Mali, on a misé sur le miraculeux jatropha, arbre originaire du Brésil, très bien adapté au Sahel aride, dont les graines non comestibles produisent une huile analogue au diesel. Dix mille hectares ont ainsi été mis en culture.
Naturellement, le voisin sahélien, le Burkina, lui a emboîté le pas. La première unité de production de biodiesel à base de graines de jatropha devrait bientôt voir le jour à Kossodo, à l’initiative du chef traditionnel Larlé Naba.
Quant au Zimbabwe, pionnier africain dès les années 80 de biocarburants issus de la canne à sucre, il a planté 60.000 ha de jatropha l’an passé.
En Afrique du Sud, le géant Ethanol Africa envisage d’ouvrir huit usines de bioéthanol cette année, et compte aussi investir en Angola, en Zambie, en Tanzanie et au Mozambique. Mais là, le biocarburant sera produit à partir du maïs et de la canne à sucre.
À leur tour, le coton, de soja et le tournesol sont désormais cultivés pour les biocarburants et exploités notamment par Transload, une unité de fabrication implantée près de Harare au Zimbabwe. À l’île Maurice, c’est la canne à sucre, au Cameroun l’huile de palme, au Nigeria, le manioc. La filière, qui compte trente états, a donné naissance à l’Association africaine des Producteurs de Biocarburants, en 2006 à Ouagadougou.
Preuve de cet essor vertigineux, l’or vert africain s’exporte déjà vers l’Europe. Après l’île Maurice et le Zimababwe, le groupe sucrier soudanais KENANA a exporté cet hiver 25 millions de litres d’éthanol, représentant 16,5 millions de dollars.
Mais ce développement ne doit pas se faire au détriment des cultures vivrières. L’essor des biocarburants, qu’ils soient destinés au marché intérieur ou à l’export, suscite bien des critiques en Afrique. LA priorité, c’est l’autosuffisance alimentaire du continent, rappellent certaines associations, estimant que les cultures vivrières sont menacées par la nouvelle orientation agricole.
Conséquence de leur mobilisation : la responsabilité directe des agrocarburants dans la crise alimentaire a été reconnue par la 2eme conférence internationale sur les biocarburants de Ouagadougou. Outre les stratégies de développement des agrocarburants, l’Afrique est aujourd’hui sommée de lancer des politiques en faveur d’une agriculture qui réponde avant tout au problème de la faim sur le continent.