Les îles Seribu, au large de Jakarta, étaient connues pour leurs plages merveilleuses. Victime d’une politique catastrophique de gestion des déchets dans la capitale, l’une d’entre elles s’est transformée en un amoncellement de détritus…
Au large de Jakarta, une île de détritus…
Les îles Seribu, à quelques miles marins au large de Jakarta, disposaient toutes, il y a quelques années encore de plages merveilleuses. Victime d’une politique catastrophique de gestion des déchets dans la capitale, l’une de ces îles s’est transformée en un amoncellement de détritus…
Des centaines de tonnes de polystyrène, de plastique et même de temps en temps des cadavres… Voilà ce que les habitants de l’île de Untung Jawa (une des îles de l'archipel de Seribu) retrouvent chaque jour sur leurs plages.
Eko Suroyo est le chef de l’unique village de l’île. Selon lui, ce sont plus de cent tonnes de déchets qui sont répandues quotidiennement. Dans ce contexte, le filet tendu entre les deux ports de l’île, et qui servait à capturer ces détritus au large, ne sert presque plus à rien :
Pas étonnant que le gouverneur de Seribu appelle notre île "l’île poubelle", il y en a partout ! Bouteilles en plastique, paquets de nouilles instantanées, sandales, cadavres… Oui, des cadavres humains ! Récemment on a récupéré deux corps dans la même semaine !
Les 10 employés de nettoyage que compte l’endroit n’en peuvent plus. Ali, l'un d'entre eux, raconte :
On a besoin de plonger de temps en temps pour ramasser des détritus, on est régulièrement piqué par des méduses. Souvent, je marche sur des morceaux de verre ou de métal. Ce sont les risques du métier.
Les touristes en ont aussi assez, et ils se font de plus en plus rares sur l'île. Une catastrophe pour l’économie locale qui est basée sur ce secteur. Certains essayent pourtant de profiter de cet état de fait. Samin, un ancien pêcheur, ramasse les bouteilles en plastique et les vend à des recycleurs. Il ne gagne qu’un dollar par kilogramme.
Sacs recyclés à la vente aux Pays-bas
Sa voisine Numpati fait mieux : elle conçoit des sacs et des sacoches avec les déchets qu’elle trouve. Elle a appris ces techniques grâce à une formation donnée par le gouvernement, et peut maintenant gagner jusqu’à 150 dollars par mois en vendant ses produits jusqu’en Europe, notamment en Hollande :
Je regarde autour de moi pour trouver des modèles. En ce moment, je m’inspire des images d’actrices que je vois dans les magazines.
Malheureusement, les 11 employés de nettoyage plus ceux qui récupèrent les ordures pour en vivre ne suffisent pas. Le reste doit être brûlé dans l’incinérateur de l’île, qui ne fait pas l’affaire non plus pour tout éliminer. Suherman est l’opérateur de cette installation :
On nous apporte 10 à 20 tonnes d’ordures chaque jour. Mais je ne peux en brûler qu’une tonne. Si je pousse le matériel trop fort, ça déraille. Après une heure de travail, je laisse refroidir la machine une demi-heure.
Eko Suroyo a tout essayé, mais rien ne marche. Comment une si petite île peut-elle régler un problème qui lui vient de la capitale, une mégalopole de 10 millions d’habitants en plein développement ? Le chef du village se sent impuissant :
Je n'en demande pas trop, jusque qu’on se débrouille pour arrêter les déchets avant qu’ils arrivent ici. Si ça n’arrête pas, on peut dire adieu à notre industrie du tourisme. Il faut changer de façon de penser. L’océan n’est pas une gigantesque poubelle. L’eau, c’est notre futur.