Dévastée par une tornade en 2007, Greensburg, bourgade tranquille du Midwest américain, est devenue la première ville des Etats-Unis alimentée à 100 % par les énergies vertes. Bien épaulée par le Laboratoire national des énergies renouvelables, véritable incubateur pour entreprises désireuses de passer au vert, cette « green city » pourrait servir de modèle aux Etats, comme la France, qui souhaitent développer le concept de « smart grids ».
« Le vent qui nous a détruits est aujourd’hui celui qui nous éclaire » philosophe Bob Dixson, le maire de Greensburg. Neuf ans plus tôt, une « tornade de 2,7 kilomètres de large, presque autant que [la ville], est passée juste au dessus de nous » poursuit-il, faisant une soixantaine de blessés et dévastant 95 % des bâtiments. Aujourd’hui, la commune est engagée dans un processus très avancé de développement durable, et bénéficie d’une énergie 100 % renouvelable, une première aux Etats-Unis, pays de l’or noir et du charbon.
Un savoir-faire qui attire entreprises et énergéticiens
Au départ, pourtant, l'idée d’une ville durable ne fait pas consensus parmi tous les habitants. Il aura fallu les conseils et l’insistance du Laboratoire national des énergies renouvelables (NREL) américain, pour que le conseil municipal tranche finalement en sa faveur. Ainsi, par exemple, les 10 éoliennes (12,5 MW de puissance cumulée au total) qui sortiront de terre dans les plaines environnantes, permettront à Greensburg de produire trois fois plus d'électricité que la quantité consommée par les habitants. Désireuse de devenir une vitrine de modèle écologique, la ville a même décidé d'aller plus loin, en mettant en place un plan de reconstruction durable : tout bâtiment public d'une superficie supérieure à 370 mètres carrés devra se plier aux exigences d'une norme baptisée LEED Platinium ; tous système de récupération d'eau, matériaux de construction recyclés, chauffage par géothermie, sont pensés pour réduire l'empreinte écologique et maximiser l'efficacité énergétique.
La communauté de Greensburg doit en grande partie la réussite de son programme à l'expertise des scientifiques du NREL, institution du département de l'Énergie située dans le Colorado. Opérationnel depuis 1977, ce centre de recherche œuvre pour le développement des énergies et des carburants renouvelables ainsi que pour la gestion dynamique des réseaux électriques. Le laboratoire collabore de plus régulièrement avec le secteur privé : entreprises et énergéticiens mondiaux s'appuient en effet sur le savoir-faire et les équipements du NREL pour concevoir, améliorer ou tester leurs produits. « Les Etats-Unis sont les plus innovants sur ces sujets et les travaux de prospective du NREL sont parmi les meilleurs du pays » affirme Tristan Grimbert, PDG d’EDF Energies Nouvelles en Amérique du Nord, qui collabore avec le laboratoire dans différents domaines.
Les réseaux électriques du futur
Loin de se contenter de prêcher la bonne parole, le NREL est lui-même ultra-vertueux d’un point de vue environnemental : depuis un vaste chantier de rénovation terminé en 2009, l'ensemble du site (soit plus de 130 hectares) n'émet plus un seul gramme de dioxyde de carbone. Une prouesse technologique que ses responsables espèrent voir appliquée aux foyers américains. En effet, « à l’avenir, de plus en plus d’habitations produiront leur propre énergie, solaire, éolienne ou encore avec des batteries, et les réseaux électriques seront davantage décentralisés », estime Dane Christensen, responsable de la recherche sur les systèmes énergétiques des logements. Les nouvelles technologies et les objets connectés permettront par exemple de mettre en marche une machine électroménagère, à partir du moment où les éléments – soleil et vent principalement – seront capables de produire suffisamment d’électricité. « A terme, poursuit Dane Christensen, on peut aussi imaginer que des compteurs intelligents sauront gérer ces variations tout seuls. » Ce sont en effet les réseaux électriques du futur qui constituent désormais l'une des activités principales du NREL.
La France, présente outre-Atlantique via certaines de ses entreprises, est également très impliquée, au plan national, sur ce sujet des réseaux intelligents – « smart grids » en anglais. ERDF vient de débuter la campagne d’installation de ses premiers compteurs communicants, qui ont vocation à intégrer 35 millions de foyers d’ici 2021. Baptisé « Linky », ce nouveau boitier électrique permettra, selon l’entreprise publique, d’intégrer l’électricité issue des énergies renouvelables au réseau existant, tout en facilitant les interventions à distance – comme l’adaptation de la quantité d’électricité disponible en fonction de la consommation effective d’un ménage. Une fois par jour, le boitier communiquera – comme son nom l’indique – les informations nécessaires à un concentrateur, grâce au courant porteur en ligne – la même méthode étant utilisée pour les programmes heures creuses/heures pleines. Pour reprendre les propos de Dane Christensen, Linky devrait non seulement permettre aux Français, à terme, de jongler entre les différentes sources d’électricité – classique ou renouvelable – disponibles, mais également de générer leur propre électricité verte grâce à des installations particulières.
Ces nouvelles facultés et capacités, loin de se cantonner à la sphère privée, peuvent très bien se décliner à l’espace urbain – comme la ville par exemple. Greensburg, aux Etats-Unis, est un parfait modèle d’entité durable vertueuse ; si le nombre de ses habitants est restreint – 1 400 environ –, rien n’empêche d’imaginer le déploiement d’un tel système à une échelle plus importante. L’essort des « smart cities », un peu partout dans le monde et, surtout, en France, a d’ailleurs commencé.