Réunis à Paris du 30 novembre au 11 décembre, les dirigeants de la planète ont trouvé un accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et ainsi ralentir le réchauffement climatique à l’impact mondial. Les discours et les COP se suivent depuis plusieurs décennies, mais la prise de conscience est longue et le désastre écologique déjà bien amorcé. A l’occasion d’une rencontre France-Afrique en marge de la COP21, le président tchadien Idriss Déby a exprimé ses craintes et son impatience face à la lenteur des réactions alors que le lac Tchad se meure.
Aux confluents du Tchad, du Cameroun, du Nigeria et du Niger, le lac Tchad est à la base d’un écosystème délicat qui fait vivre 30 millions de personnes. Mais depuis quarante ans, ce trésor millénaire issu d’une mer intérieure meurt peu à peu sous les effets du réchauffement climatique. La surface du lac a été divisée par 8 depuis 1973. Une catastrophe écologique pour tous les pays de la région qui souffrent d’une inaction coupable dénoncée par le président tchadien, Idriss Déby.
Au cours d’une rencontre entre le président français et ses homologues africains, ce dernier s’est en effet exprimé avec une grande franchise. « La question du lac Tchad est ancienne. A toutes les rencontres sur le climat depuis 20 ans, ce dossier a été évoqué […] depuis Copenhague, Rio et aujourd'hui Paris. Je ne suis pas sûr que jusqu'à aujourd'hui, nous ayons trouvé des oreilles attentives, tout au moins des actions concrètes ». En jouant cartes sur table, le président souhaite sauver tant qu’il en est encore temps un lac qui est à l’origine de tous les équilibres régionaux.
Le cri d’alarme d’Idriss Déby n’est pas passé inaperçu, mais encore faut-il que la communauté internationale réagisse avec force. Une réaction qui doit prendre la forme de financements pour mener à bien un vaste projet de transfert des eaux du fleuve Oubangui vers le lac Tchad. Un travail titanesque, mais possible à condition de trouver près de 4 000 milliards de francs CFA (soit environ 6 milliards d’euros). Le projet est viable et, en plus de financements conséquents, exige une entente parfaite entre tous les acteurs régionaux. La construction d’un canal long de plusieurs centaines de kilomètres vers le lac Tchad dépend en effet de l’accord de la République Démocratique du Congo, où le fleuve Oubangui prend sa source, et des cinq pays membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), le Cameroun, le Niger, le Nigeria, la République Centrafricaine et le Tchad.
La mise en exergue du problème du lac Tchad n’est pas une première pour le président Déby. Déjà en 2012, en préparation du Sixième Forum mondial de l’eau, le chef d’Etat tchadien soulignait l’importance de la lutte à mener contre les transformations géologiques en cours : « Faisant front au nord, le lac Tchad symbolise la résistance contre l’avancée du désert en Afrique. Il constitue pour les bassins fluviaux et forestiers africains un bouclier unique, le verrou à protéger à tous prix. Le lac Tchad n’est pas seulement tchadien, il est africain. Il est bien mondial et mériterait amplement d’être inscrit au patrimoine de l’humanité. »
Un discours qui devait alerter les autres dirigeants de la région. Les conséquences climatiques ne connaissent pas les frontières humaines et c’est ce que les tenants d’un accord ambitieux à la COP21 ont essayé de faire comprendre à leurs partenaires. Sans surprise, le Tchad a beaucoup travaillé en ce sens et a déposé une contribution nationale avant la Conférence résolument engagée, promettant réduction des émissions de gaz à effet de serre et exploitation responsable des ressources naturelles. Une bonne volonté pas toujours suivie par des pays pourtant déjà touchés par la hausse des températures et les conséquences bien concrètes que cela entraîne.
Les conditions d’un sauvetage rapide, mais néanmoins indispensable sont difficiles à réunir. Le contexte international peut toutefois devenir une aide à la prise de décision car les conséquences sociales dramatiques que signifierait un recul encore plus important des eaux dans la région pourraient mettre à feu tous ces pays. La pauvreté tend à alimenter le terrorisme alors que Boko Haram reste une menace très lourde en Afrique centrale. Priver 30 millions de riverains du lac Tchad de leur cadre de vie constituerait un cadeau extraordinaire au fondamentalisme religieux en plus d’être un crime moral et humanitaire. La lutte contre le terrorisme est d’autant plus essentielle à mener que les populations qui fuient Boko Haram se réfugient dans la région et participent d’un déséquilibre croissant entre les hommes et une nature fragile.
Le temps presse et des dizaines de millions de vie sont en jeu. La COP21 est peut-être une des dernières chances de faire avancer la cause du sauvetage du lac Tchad. Le président Idriss Déby l’a bien compris et mène une lutte sans merci contre le temps et l’immobilisme des hommes.