Tantôt vu comme espace de production, tantôt comme espace disponible à la construction ou encore comme espace récréatif pourvoyeur d’aménités inverses à celles qu’offre la ville, l’espace rural périurbain se trouve depuis de longues années dans un rapport de domination économique de la ville.
Pourquoi faut-il imaginer un nouveau modèle d’agriculture périurbaine ?
La ville doit-elle et peut-elle rester ce que François Ascher définissait comme « un regroupement de population ne produisant pas elles-mêmes leurs moyens de subsistance » [1] ? Les relations ville campagne peuvent évoquer celles d’un couple inséparable en conflit perpétuel. Tantôt vu comme espace de production, tantôt comme espace disponible à la construction ou encore comme espace récréatif pourvoyeur d’aménités inverses à celles qu’offre la ville, l’espace rural périurbain se trouve depuis de longues années dans un rapport de domination économique de la ville. Domination volontairement ou involontairement consentie, car les contraintes sont nombreuses.
Celle de la pression foncière tout d’abord. Sur le territoire de la Communauté Urbaine de Bordeaux où la surface d’exploitations maraîchères a drastiquement diminué, un terrain à bâtir de 500 m² se vend 180 000 €. Mais si les maraîchers vendent volontiers leurs terres à des promoteurs, c’est avant tout pour s’assurer la retraite décente qu’un métier faiblement voire très faiblement rentable ne leur permet pas. Cette question de la rentabilité économique en entraîne une autre : celle des successions non assurées, incertaines ou indéterminées. Les candidats à un métier dur, peu rémunérateur (et bien souvent en conflit avec le voisinage urbain)… sont peu nombreux !
Alors pourquoi, avec une équation aussi complexe vouloir maintenir une agriculture périurbaine en déshérence ? Plusieurs raisons : relocaliser une partie de la production alimentaire est d’une part l’un des meilleurs moyens de préparer l’ère post carbone et d’assurer la sécurité alimentaire des territoires, même si l’agriculture périurbaine n’a pas vocation à assurer l’intégralité de l’alimentation d’une ville. Il s’agit avant tout d’une opportunité économique de mise en relation entre producteurs et consommateurs, notamment pour les productions maraîchères, fruitières ainsi que pour l’élevage. Il s’agit également d’une question de santé publique : fournir aux urbains des fruits et légumes cueillis à maturité, peu transportés ou conservés et produits selon des pratiques respectueuses de la santé de l’agriculteur et du consommateur. C’est enfin la question d’un lien entre consommateurs et producteurs agricoles qu’il est vital de maintenir pour que les urbains élevés « hors sol » soient conscients des réalités de production de leur alimentation.
De nombreuses actions sont déjà entreprises par les collectivités ou les associations : mise en place de zones agricoles protégées, de périmètres de protection des espaces agricoles, constitutions de réserves foncières agricoles, aides à l’installation et à l’acquisition de matériel, soutiens techniques, soutien des démarches de circuit court, mise en place de couveuses agricoles, soutien à l’acquisition et la transmission des terres sous forme collective …
Mais cela ne suffit pas. C’est une rupture dans le modèle agricole périurbain qu’il est nécessaire d’initier. Pas seulement dans la diversification de ses activités ou de ses modes de commercialisation (circuits courts) mais la création d’un modèle de production différent, adapté à un marché urbain. Le cahier des charges de ce nouveau modèle pourrait être le suivant :
- Etre de petite taille, non plus 3 ou 10 hectares, mais plutôt 1000 à 5000 m², condition d’accès à un foncier peu disponible ;
- Etre rentable économiquement, condition sine qua non pour susciter les vocations ;
- Etre intensive et productive tout en n’impactant ni les ressources ni la santé humaine ;
- Etre un métier accessible à un plus grand nombre de personnes, non issus du milieu agricole ;
C’est le concept d’une micro-agriculture / d’un macro-jardinage périurbain qui se dessine là, celle que tente par exemple de développer l’association Terra Vitae ou d’autres maraîchers pionniers. Mais où tout reste encore à imaginer et à expérimenter : business modèle (financement participatif), statut juridiques, systèmes de contractualisation innovants, marketing, itinéraires techniques, formation, mise en réseau, commercialisation, synergies avec les infrastructures urbaines…Etc. Bref un nouveau modèle d’agriculture périurbaine.
Lauriane Lequet