Au Canada et comme ailleurs, leurs noms évoquent la connaissance, la sagesse et le respect. Alors quand Hubert Reeves et David Suzuki foulent ensemble les planches d’une même scène pour parler de l’avenir de la planète, selon leurs expertises de scientifiques, philosophes et terriens, la salle est pleine.
Appel à la Terre, un SOS d’Hubert Reeves et de David Suzuki
Au Canada comme ailleurs, leurs noms évoquent la connaissance, la sagesse et le respect. Alors quand Hubert Reeves et David Suzuki foulent ensemble les planches d’une même scène pour parler de l’avenir de la planète, selon leurs expertises de scientifiques, philosophes et terriens, la salle est pleine, la foule se lève les bras tendus pour applaudir l’entrée de ces deux voix de sagesse.
En 2012, les organisateurs de Projet Écosphère ont tenu pour la première fois à Montréal la Foire de l'environnement et de l'éco-habitation. Un événement qui avait élu domicile dans la petite ville de Brome au Québec depuis 2006. Le coup d'envoi a été donné vendredi avec la "Soirée des sages", événement à guichets fermés, qui réunissait Hubert Reeves et David Suzuki ainsi que le chanteur Gilles Vigneault pour un concert de fin de soirée.
Hubert Reeves, la voix d’un astronome écologiste
Astrophysicien de renom et vulgarisateur hors-pair, Hubert Reeves joue depuis plusieurs années un grand rôle dans la définition des stratégies des luttes écologiques.
C'est un personnage unique en son genre. Moitié astronome, moitié écologiste, scientifique et humaniste, Hubert Reeves offre un portrait sans complaisance de l’état de la planète en nous amenant sur les pas de sa création : le big-bang, la naissance et la mort des étoiles. Il raconte, avec son talent de conteur, que les hommes sont des poussières d’étoiles et qu'ils sont donc redevables à ces dernières. Pourquoi l’astronomie et l’écologie sont-ils directement liés ? Il répond :
« Parce que l’astronomie nous explique comment l'Homme en est venu à exister. L’apport de la science montre notre rapport intime avec l’univers. L’histoire du cosmos, c’est notre histoire. L’écologie, c’est l’autre message : comment y rester dans des conditions raisonnables ? ? »
Pour cela, il invite le public à se questionner. L’être humain apparait en Afrique il y a environ 2 millions d’années et reçoit en cadeau l’intelligence pour faire face au monde hostile qui l’entoure. Le développement de l’intelligence a permis à l’Homme de survivre. Pourtant, dit-il, ce développement de l’intelligence aboutit progressivement à une réalité moins belle : la bombe atomique, le développement de technologies capables de détruire d’immenses forêts en un rien de temps ou encore de pêcher deux fois plus vite que le cycle de reproduction des poissons… Le cadeau qui lui a permis de survivre est aujourd’hui celui qui le menace.
« L’humanité est périssable et nous sommes la seule espèce à commettre un auto-suicide. Le mouvement de réveil vert implique de plus en plus de personnes. C'est la naissance d’une tension entre deux forces, deux combats. Mais personnes ne sait qui gagnera. Personne ne sait quel sera l’état de la planète dans 30 ans ».
Comment la planète est-elle détruite ? Les pesticides sont les principaux responsables de la disparition des insectes, des abeilles, des papillons, des vers de terre. Il explique que ce qui permet aux espèces de durer « c’est d’être capable de vivre en harmonie avec la nature. De prendre et de donner ».
L’humanité pourrait disparaitre et cela pourrait être une anecdote, explique-t-il. Une espèce a apparu et a disparu. Il défend cependant la cause de l’humanité en louant l’art (Mozart, Van Gogh, etc.), la science (les lois de la physique atomique, la connaissance des espèces, etc.) et la compassion. Pour expliquer cette dernière, il prend l’exemple d’un nid d’oiseaux ou deux oisillons sont malades et deux en bonnes santé. Selon la loi des gènes, les parents nourriront les oisillons les plus robustes, non les malades. C’est la loi de la nature. Alors que dans un foyer humain, s’il y a un enfant malade et un autre en bonne santé, ses parents mettront plus d’attention sur l’enfant malade que sur celui en bonne santé. L’espèce humaine est la seule espèce à ne pas tenir compte de la loi des gènes.
David Suzuki, la voix d’un biologiste militant
Généticien, biologiste et activiste de notoriété internationale, David Suzuki a reçu le Prix Nobel alternatif en 2009. Il a pris la parole devant une foule déjà conquise et impatiente d’écouter l’autre vulgarisateur anglophone par excellence.
Simplement avec quelques notes en main, D. Suzuki s’est avancé jusqu’au pupitre. Quelque part au tournant des années 1990, le monde tel qu'il existait a basculé. La menace d’une destruction instantanée de la planète a fait place à une préoccupation quant à la destruction graduelle des systèmes naturels. Pour Suzuki, il ne s’agit pas de redéfinir la relation entre deux superpuissances, mais de recaractériser la relation de l'Homme avec l'écosystème et de revoir le mode de développement économique et social.
« Bien avant les économistes et les hommes d’affaires, nous avions des besoins essentiels à combler, et que nous devons toujours combler. »
Il s’est ensuite attaqué aux choix des politiques gouvernementales de Mr Harper (premier ministre canadien) en critiquant ses décisions de faire passer l’économie avant la réduction des gaz à effet de serre, de peur de détruire le marché économique. Le Canada s’est retiré des accords de Kyoto en fin d’année 2011. Il demande:
« N’est-ce pas un suicide collectif ? L’économie, les marchés sont des concepts inventés par l’être humain. Tout comme les dragons, les démons, etc. »
D. Suzuki invite le public à repenser les fondements qu’il exprime de la façon suivante : « nous sommes des animaux, nous sommes l’air, nous sommes l’eau, nous sommes la terre, nous sommes le feu et nous avons besoin d’amour. » Il rappelle que la crise écologique est avant tout une crise humaine, comme l’a également soulignée H. Reeves.
La question qui reste en suspens : l’idéologie « sauver l’humanité » est-elle alors une lutte à soutenir? A en croire la voix des Sages, oui, elle en vaut encore la peine.